Paul Pettinger
Psychanalyse et pédagogie
ou l’impossible à deux
Voici quelques pages de documents reprenant certains propos émis ou soi-disant
émis par Freud sur la relation entre pédagogie et psychanalyse. Je leur ai
ajouté des contenus provenant d’autres penseurs et ceci pour offrir, un plus
grand champ d’analyse tout en essayant de préserver de la cohérence au texte. Il
me semble que par la diversité des définitions et des opinions ou idées
exprimées, les extraits et citations montrent bien les rapports étroits et les
interactions possibles entre ces deux domaines tout en en montrant et précisant
les limites. A la lecture, on peut constater une certaine confusion entre les
termes de pédagogie et d’éducation, ce qui à la longue engendre un sentiment
d’inconfort tant cette imprécision conceptuelle ouvre le champ à des réflexions
éparses. Ce mélange complique à mon avis la possible ou souhaitable cohabitation
entre psychanalyser et enseigner; ces deux métiers que Freud dit impossibles.
Ces réflexions venues de philosophes, sociologues et autres psychanalystes ou
enseignants me paraissent donner des pistes intéressantes de réflexion sur cette
problématique de la conjugaison éventuelle de ces deux domaines des sciences
humaines.
« Il y a trois tâches
impossibles : éduquer, gouverner, et psychanalyser »
Sigmund Freud
« Cet "impossible" est un impossible à dire, un indicible, vieux comme la
philosophie- voyez Platon et le mythe de la caverne- nullement une invention des
psychanalystes : c’est le réel. Ici, dans votre métier comme dans le mien, le
réel de ce que sont ces enfants que vous avez la charge d’instruire, et que vous
vous efforcez de connaître, pour mieux savoir comment vous y prendre avec
celui-ci, ou celui-là. Le réel aussi de ce que vous êtes, de ce qui vous anime
et vous fait choisir telle ou telle manière de vous y prendre, à l’insu de ce
que vous croyez-et vous fait donc parfois vous tromper. »
L’allégorie de la caverne
: Elle expose en termes imagés la pénible accession des hommes à la connaissance de la réalité, ainsi que la non moins difficile transmission de cette
connaissance.
« L’éducateur ne pourra
guère apprendre de la psychanalyse que l’art de naviguer entre le
Scylla du
laisser-faire et le Charybde de l’interdiction »
Sigmund Freud
« Je passe sous silence le fait qu’on récuserait l’influence de la psychanalyse
sur l’éducation, si elle tendait à des fins contraires à l’ordre établi.
L’éducation psychanalytique assumerait une responsabilité qui ne lui incombe
pas, en tendant à faire de ceux qui la reçoivent des révolutionnaires »
Sigmund Freud (sixième
conférence)
« De toutes les utilisations de la psychanalyse, aucune n’a rencontré autant
d’intérêt, éveillé autant d’espoir, que son application à la théorie et à la
pratique de l’éducation des enfants »
Sigmund Freud (sixième
conférence)
« L’important intérêt de la psychanalyse pour la science de l’éducation
se fonde sur un énoncé qui est parvenu à l’évidence. Ne peut être un éducateur
que celui qui peut sentir de l’intérieur la vie psychique infantile, et nous
adultes ne comprenons pas les enfants, parce que nous ne comprenons plus notre
propre enfance. »
Sigmund Freud
« Tout d’abord, considérons que le but principal de toute éducation est
d’apprendre à l’enfant à maîtriser ses pulsions : impossible en effet de lui
laisser une liberté totale, de l’autoriser à obéir sans contrainte à toutes ses
impulsions. Cela pourrait, certes, fournir aux psychologues de l’enfance une
expérience très instructive, mais la vie des parents deviendrait impossible et
le tort soit
immédiat, soit à venir, causé aux enfants serait considérable. L’éducation doit
donc inhiber, interdire, réprimer et c’est ce que à quoi elle s’est de tout
temps appliquée. »
Freud, Nouvelles
conférences sur la psychanalyse, op.cit., p. 196 (tr.mod)
« Une violente répression d'instincts puissants exercée de l'extérieur n'apporte
jamais pour résultat l'extinction ou la domination de ceux-ci, mais occasionne
un refoulement qui installe la propension à entrer ultérieurement dans la
névrose. La psychanalyse a souvent eu l'occasion d'apprendre à quel point la
sévérité indubitablement sans discernement de l'éducation participe à la
production de la maladie nerveuse, ou au prix de quel préjudice de la capacité
d'agir et de la capacité de jouir la normalité exigée est acquise. Elle peut
aussi enseigner quelle précieuse contribution à la formation du caractère
fournissent ces instincts asociaux et pervers de l'enfant, s'ils ne sont pas
soumis au refoulement, mais sont écartés par le processus dénommé sublimation de
leurs buts primitifs vers des buts plus précieux. Nos meilleures vertus sont
nées comme formations réactionnelles et sublimations sur l'humus de nos plus
mauvaises dispositions. L'éducation devrait se garder soigneusement de combler
ces sources de forces fécondes et se borner à favoriser les processus par
lesquels ces énergies sont conduites vers le bon chemin. »
Sigmund Freud
Quelques définitions de la pédagogie
Pédagogie et éducation
On confond parfois pédagogie et éducation: le pédagogue, c'est d'abord l'enseignant, le
professionnel. Les spécialistes distinguent cependant l'éducation, qui est du
côté de l'action, de la pédagogie, réflexion d'ordre philosophique aussi bien
que technique, destinée à orienter l'intervention de l'éducateur.
Le terme de « pédagogie
» dérive du grec et veut dire : conduire, mener, accompagner, élever l’enfant
Alain «L’enseignement doit
être résolument retardataire. Non pas rétrograde, tout au contraire. C’est pour
marcher dans le sens direct qu’il prend du recul ; car, si l’on ne se place
point dans le moment dépassé, comment le
dépasser ? »
Emile Durkheim : la pédagogie est une ‘’réflexion appliquée aussi
méthodiquement que possible aux choses de l’éducation’’ Paris, PUF,
1938
Françoise Clerc : la pédagogie est "l’ensemble des savoirs scientifiques et pratiques, des compétences relationnelles et sociales qui sont mobilisées pour concevoir et mettre en œuvre des stratégies d’enseignement"
Franc Morandi : la pédagogie est "étude et mise en œuvre des conditions d’apprendre"
Merleau-Ponty : « La pédagogie sera
donc la description de l’image que l’adulte se fait de l’enfant »
La pédagogie est le métier qui donne l'éducation.
A l'opposé, l'éducation est ce qui
vient des cours dispensés par un pédagogue.
Les enseignants, au sens large du terme sont des pédagogues, leurs élèves ou
stagiaires en retirent l'éducation.
Éducation : action d'élever, de
former un enfant, un jeune homme.
Instruction : L'instruction d'une
chose, l'action d'enseigner cette chose.
Pédagogie : Ensemble des méthodes
dont l'objet est d'assurer l'adaptation réciproque d'un contenu de formation et
des individus à former.
Étymologiquement parlant l'éducation est plutôt à réserver au cercle familial,
l'instruction concerne la formation.
Par exemple : apprendre
à un enfant que mettre ses doigts dans son nez c'est pas top, c'est de
l'éducation, lui apprendre que 1+1=2 c'est de l’instruction.
La pédagogie est l'outil
dont on a besoin pour instruire ou éduquer.
Par exemple on peut foutre une grosse tarte dans la gueule du môme qui n'as pas
appris ses tables d'addition, ou lui expliquer le fond logique du calcul avec 2
allumettes que l'on met ensemble...Le mot pédagogie est neutre, la pédagogie
peut- être bonne ou mauvaise..
L'éducation est l'apprentissage de toutes les règles qui gèrent une vie dans la
société, par ex. le savoir vivre, le respect d'autrui, le comportement
personnel...rôle en principe enseigné par les parents!!! Tandis que la pédagogie
est l'apprentissage des savoirs, c'est à dire les études, rôle d'enseignement
transmis par les enseignants----dans de nombreux cas, les enseignants jouent les
2 rôles pour combler les lacunes parentales.
La pédagogie en perte de vitesse
Malgré la richesse de ces expériences, la pédagogie semble actuellement en perte
de vitesse. Elle a vu son domaine propre se restreindre au profit des sciences
de l'éducation, enseignées à l'Université depuis 67. Depuis le début des années
1980, la réflexion pédagogique semble largement supplantée par les didactiques
des différentes disciplines. Ces recherches, d'orientation cognitiviste pour la
plupart, donnent beaucoup plus d'importance à l'efficacité des apprentissages
qu'à la vie affective de l'enfant. Les idées de l'Education nouvelle n'ont pas
réussi à se concrétiser à grande échelle dans l'institution scolaire. Des
mouvements pédagogiques (Centres d'entraînement aux méthodes d'éducation active,
Groupe français d'éducation nouvelle, équipes Freinet) continuent cependant à
les diffuser.
Quelques définitions de
la psychanalyse
Une définition encyclopédique
Psychanalyse:
1. Nom donné par Freud à une technique d'investigation psychologique destinée à
rendre compte de l'inconscient et de ses effets, fondée sur la libre association
des idées du sujet.
2. Pratique
thérapeutique fondée sur cette investigation.
3. Théorie ou ensemble de théories rendant compte du fonctionnement normal ou
pathologique de la vie psychique et reposant sur l'interprétation des données de
la cure psychanalytique.
4. Utilisation faite de la théorie psychanalytique pour étudier un thème, une
question, pour expliquer ou interpréter un texte, une oeuvre, etc." (Hachette
Multimédia / Hachette Livre, 2000)
Et, un peu plus approfondie, selon la même source, cette définition qui laisse
entrevoir à la fois la marque de l'évolution inhérente au vivant à travers le
temps et la complexité de tout problème du vivant:
« La définition de cette discipline, fondée à partir de 1885 par le médecin
viennois Sigmund Freud, implique la distinction que l'on peut faire avec lui de
trois niveaux: la psychanalyse est d'abord une méthode d'investigation qui
consiste essentiellement dans la mise en évidence de la signification
inconsciente des paroles, des actions, des productions imaginaires (tels les
rêves, les fantasmes, les délires) d'un sujet. Cette méthode se fonde
principalement sur les libres associations du sujet, qui sont le garant de la
validité de l'interprétation.
C'est ensuite une méthode psychothérapique fondée sur cette investigation, et
rendue spécifique par l'interprétation contrôlée de la résistance, du transfert
et du désir. En ce sens, le mot «psychanalyse» est synonyme de «cure
psychanalytique.
C'est enfin un ensemble de thèmes psychologiques et psychopathologiques où sont
systématisées les données apportées par la méthode psychanalytique
d'investigation et de traitement. »
Freud a donné plusieurs
définitions de la psychanalyse, dont une est particulièrement explicite:
«Psychanalyse est le nom: d'un procédé pour l'investigation des processus
mentaux à peu près inaccessibles autrement; d'une méthode fondée sur cette
investigation par le traitement de désordres névrotiques; d'une série de
conceptions psychologiques acquises par ce moyen et qui s'accroissent ensemble
pour former progressivement une nouvelle discipline scientifique.» ( article
paru dans l'Encyclopédie en 1922).
La psychanalyse est en perte de vitesse. Discutée en tant que théorie
scientifique, contestée comme thérapie, l'ex-rebelle qui libérait la parole des
névrosés est à son tour une forteresse assiégée. Peut- elle encore tirer son
épingle du jeu ?
La psychanalyse apparaît de plus en plus comme un système de croyances
pseudo-scientifiques, une sorte de religion avec un clergé enfermé dans sa tour
d’ivoire.
A ce titre, les conclusions du rapport de l’association psychanalytique
internationale publié en 2002, dont l’auteur principal est le psychanalyste
P. Fonagy, sont révélatrices: « Il n’y a pas d’étude qui permette de
conclure sans équivoque que la psychanalyse soit efficace par rapport à un
placebo actif ou une autre forme de traitement. Il n’y a pas de méthodes
disponibles qui pourraient d’une manière incontestable indiquer l’existence d’un
processus psychanalytique. La plupart des études ont des limitations majeures
qui pourraient conduire ceux qui critiquent la discipline à ne pas prendre en
compte les résultats. D’autres études ont des limitations si graves que même un
évaluateur qui a de la sympathie pour la psychanalyse pourrait être enclin à ne
pas tenir compte de leurs résultats. En tant que psychanalystes, nous savons
tous que la psychanalyse marche. Notre propre expérience de l'analyse est
probablement suffisante dans la plupart des cas à nous persuader de son
efficacité. »
D'après Edward Shorter (2007, p.154), "(...) aux Etats-Unis, la partie est
finie. Dans le champ de la psychiatrie, la psychanalyse est tout simplement
morte." Il poursuit plus loin: "Dans des revues telles que le célèbre
Journal américain de psychiatrie, une petite section de critiques littéraires
est réservée aux analystes, mais ils ont de plus en plus l'air d'astrologues
essayant de sauver leur peau dans le contexte d'un avènement de l'astronomie.
(p.157)" in. Splendeur et décadence de la psychanalyse, Le livre noir de la
psychanalyse, Editions des Arènes, pp.147-160.
La psychanalyse s’ouvre au champ de l’éducation…………. Reich va trop loin
pour Freud
De toutes les sciences de l’homme, la pédagogie est sans doute celle qui a été
le plus précocement touchée par la psychanalyse, et peut être aussi celle qui
l’a le plus influencée en retour. Ce n’est pas Freud qui le premier a soulevé
l’intérêt de cette rencontre, mais son disciple alors préféré : Sandor Ferenczi.
Dans une conférence prononcée en 1908 à Salzbourg et intitulée Psychanalyse
et pédagogie, le psychanalyste hongrois remet violemment en question
l’éducation de son temps. La pédagogie, basée sur le refoulement des émotions et
la répression de la sexualité, se révèle un « véritable bouillon de culture des
névroses ». Il ne voit pas d’autre remède à ce désastre, à cette maladie sociale
que « l’exploration de la personnalité véritable et complète de l’individu, en
particulier du laboratoire de la vie psychique inconsciente, qui n’est plus tout
à fait inaccessible aujourd’hui » (Ferenczi, 1908, p.56). Ceci est l’aspect
curatif du problème, mais Ferenczi envisage aussi le côté préventif. Il passe
par une nouvelle pratique, fondée sur la compréhension profonde du psychisme
enfantin, et non sur des dogmes, ou des principes.
Ce texte de 1908 est fondateur. Ferenczi y affirme la fonction prophylactique
d’une éducation psychanalytique, et les immenses bienfaits qui en découleraient
pour la société. Il inaugure ainsi une histoire centenaire, faite de relations
passionnées et souvent conflictuelles entre les deux disciplines. Elle se
traduit d’abord par des déclarations d’intentions, et, après la première guerre
mondiale, s’incarne dans des pratiques et des institutions. Ce mouvement, dit de
pédagogie psychanalytique, va être très vivace en Suisse, en Autriche et en
Allemagne, presque inexistant en France. Il ne s’appuie pas seulement sur la
doctrine de Freud, mais aussi sur celles de Jung et d’Adler, faisant fi des
querelles et des scissions. Placé sous le signe d’un optimisme conquérant, il
rencontre vite des limites, et, dès la fin des années 1930, vient le temps des
doutes et des inquiétudes. L’après- deuxième guerre mondiale voit à l’œuvre une
dynamique nouvelle à laquelle la France prend une part active. Les centres
d’intérêts se déplacent de l’enfant à l’adolescent et au groupe familial. La fin
des années 1960 et la décennie suivante en marquent l’apogée, sur fond de
contestation des valeurs bourgeoises, et d’extension du domaine de la vulgate
psychanalytique.
Si c’est Ferenczi qui a ouvert le débat, un an plus tard, c’est un pasteur
protestant de Zürich, proche de Jung, qui donne à Freud l’occasion de soutenir
le projet d’une première application de la psychanalyse à l’éducation. Il se
nomme Oskar Pfister. C’est probablement sur les conseils de Jung qu’il adresse,
en 1909, ses premiers travaux au maître viennois. Ainsi commence une
correspondance - et une amitié - qui va durer trente ans, jusqu’à la mort de
Freud. Pfister va devenir le plus zélé propagandiste de la doctrine freudienne
dans l’univers pastoral et pédagogique. Des deux textes qu’il envoie à Freud,
l’un porte sur « Idées délirantes de suicide chez les écoliers », et l’autre sur
« Soin psychanalytique des âmes et pédagogie morale ». Freud les reçoit avec
enthousiasme : « Je dois vous exprimer ma satisfaction de constater que nos
recherches psychiatriques ont trouvé accueil chez un pasteur ayant librement
accès auprès de tant d’âmes jeunes et intactes » (Freud, 1909, p.46). Le pasteur
en question n’a pas fait d’analyse, mais il a dévoré les écrits freudiens, et
entrepris immédiatement d’appliquer leurs principes dans sa pratique pastorale.
On peut s’étonner qu’un Freud, juif matérialiste et athée, soutienne une telle
démarche. En fait, il a plusieurs raisons de le faire. Tout d’abord, il cherche
à renforcer son alliance avec le groupe zurichois acquis à sa cause, Jung, mais
aussi le psychiatre Eugen Bleuler, au Burghölzli, et Alphonse Maeder.
En second lieu, l’application de la
psychanalyse que propose Pfister lui paraît pouvoir légitimement échapper au
contrôle médical, et ainsi conforter la pratique de l’analyse profane que, bien
que médecin lui- même, il défend. Enfin, on peut lui faire crédit d’un
sincère intérêt pour la chose éducative ; si l’énigme de la névrose l’a
conduit à se pencher sur l’enfance, il est heureux de pouvoir de confronter avec
ceux qui travaillent auprès d’enfants réels et normaux. Et puis, il va se
prendre d’affection pour celui qu’il nomme avec humour son « Saint Homme ». Lors
de la rupture entre Freud et Jung, Pfister, déchiré, choisira de rester fidèle à
Freud, à l’inverse de la plupart de ses compatriotes, et Freud lui en saura
toujours gré. Pour l’heure, il donne une préface extrêmement chaleureuse au
manuel sur La méthode psychanalytique que publie Pfister en 1913 à
l’usage des éducateurs et des pasteurs. Dans cette préface, Freud affirme que
l’éducation a pour tâche de veiller à ce que rien de nuisible n’arrive pour
l’individu ou pour la société, et qu’elle est « une prophylaxie qui doit
prévenir les deux issues de la névrose et de la perversion ». À ce moment de sa
vie, il est raisonnablement optimiste quant aux espoirs que fait naître le
projet de Pfister, mais aussi réservé ; en 1912, dans Conseils aux médecins
sur le traitement psychanalytique, il met en garde : « l’orgueil éducatif
est aussi peu souhaitable que l’orgueil thérapeutique » (Freud, 2).
Néanmoins, lorsque la revue Scientia, revue internationale des sciences
de l’homme, lui demande de présenter L’intérêt de la psychanalyse1, il n’hésite pas à
mettre en avant, sur plusieurs pages, son intérêt pédagogique. « Ne peut être
éducateur, dit-il, que celui qui peut sentir de l’intérieur la vie psychique
infantile », ce qui relève à la fois d’une formation et d’une disposition
profonde. Il faut aussi noter que Freud n’oppose nullement éducation et
thérapie, pour lui,
elles sont complémentaires. Une éducation bien conduite doit empêcher l’éclosion
des névroses, alors que la thérapie doit corriger une évolution morbide. Elle
est donc une rééducation ou une post-éducation. Mais il laisse alors ouverte
la question de savoir si une même personne peut conduire les deux
démarches.
Lors de cette période qui précède immédiatement la grande guerre, il y a donc
quelques péda- gogues, comme Pfister, qui tentent d’appliquer les idées
freudiennes sans chercher à les édulcorer. Ce n’est pas le cas, loin s’en faut,
de la majorité. L’enfant de Freud, ce petit pervers polymorphe, inquiète ou
révulse, et l’insistance mise sur l’éducation sexuelle n’est pas faite pour
rassurer non plus. Le discours dominant conteste la tendance monomaniaque de
Freud à tout expliquer par la sexualité, et son insistance à plaquer le modèle
de la pathologie sur toute la vie psychique. Les deux principaux disciples qui
ont rompu avec l’orthodoxie freudienne, Alfred Adler (en 1912) et Carl Gustav
Jung (en 1913) semblent finalement beaucoup plus fréquentables, car tous deux
minimisent le rôle de la sexualité. Adler, bien plus que Freud, insiste sur le
versant social de l’éducation, sur l’insertion du petit enfant dans la
communauté des hommes ; pour lui, l’amour est le levier principal de l’éducation
(ce dont Freud n’est pas persuadé), et le sentiment d’infériorité la source
principale de la névrose. Adler est socialiste, il promeut une pédagogie
communautaire car il cherche à construire un monde nouveau grâce à l’éducation.
Juste avant la première guerre mondiale, il a créé à Vienne (Vienne La Rouge !)
des centres de consultation et de guidance éducative dans les écoles, ainsi que
des jardins d’enfants, qui obtiennent un vif succès. Jeanne Moll (Moll, 1989,
p.87) émet l’hypothèse qu’Adler va servir de relais, de médiateur pour des
pédagogues qu’effraie la psychanalyse, et qui trouvent chez lui des motifs de
croire en leur métier, grâce à l’optimiste qui caractérise sa psychologie
individuelle.
Quant à Jung, en délivrant la libido de sa charge érotique, il rassure
également, et surtout, il insiste sur la dimension spirituelle de l’acte
éducatif, ce dont ni Freud ni Adler n’ont cure. Dans Psychologie et éducation2, Jung se
montre très culpabilisant à l’égard des parents : la névrose enfantine, c’est
toujours de la faute des parents. Il importe donc d’éduquer les éducateurs, sans
grand espoir de changements, d’ailleurs. Concernant l’information sexuelle, il
précise qu’il n’est pas partisan
qu’elle se fasse à
l’école, et surtout qu’il rejette tout système mécanique et uniforme en cette
manière. À chaque enfant doit correspondre un type de réponse et
d’éclaircissement particulier, au moment où il le sollicite. Cette question
divise d’ailleurs les premiers psychanalystes entre eux, tout comme elle divise
les pédagogues. Elle fait l’objet de plusieurs débats contradictoires à la
société psychanalytique de Vienne (Nunberg, Federn, 1978) dès avant 1910. Adler
et Wilhem Stekel pensent qu’il ne faut pas informer l’enfant avant qu’il en
éprouve le besoin, car sinon, on tue le besoin de savoir et de percer des
secrets. Le zèle intempestif de certains parents se révèle d’ailleurs souvent
inutile, puisque l’enfant s’empresse d’oublier et de revenir à ses propres
théories, si fantaisistes soient-elles. Pour Stekel, tout compte fait, la
meilleure éducation est celle qui a eu cours jusqu’à maintenant : celle
dispensée par les domestiques ou les camarades d’école.
L’essentiel, c’est que les
enfants ne restent pas fixés à leurs parents dans leur sexualité. Par contre, il
est en désaccord avec Adler lorsqu’il dit qu’il faut éduquer l’enfant par
l’amour, ce qui revient pour lui à « lui arracher,
par l’amour, un morceau de sa personnalité », et il
pense qu’une telle attitude peut devenir très no- cive (ibid. p.352). Isidore
Sadger émet l’idée qu’on ne peut pas élever les enfants de manière cons- ciente
et théorique, et que les meilleurs pédagogues sont des pédagogues-nés. Freud est
finalement assez d’accord avec ce propos de bon sens. Il rappelle qu’il a,
autant que possible, évité de tirer des conclusions, a fortiori de donner
des prescriptions pour l’éducation, à partir des connaissances de la
psychanalyse. Contrairement à ses collègues, il se prononce pour une éducation
sexuelle faite à l’école. Il lui semble que les parents ne peuvent pas, et
surtout que les enfants ne veulent pas être éclairés par leurs parents. « Donner
à l’enfant une orientation dans la vie est un des devoirs de l’école, et les
problèmes sexuels sont une partie importante de cette orientation » (ibid.
p.257). Naturellement ce savoir ne doit pas être déversé sur l’enfant « comme
une douche », ce qui suppose une préparation spéciale des maîtres. Il est
intéressant de noter que, sur une telle question, les positions prises semblent
bien plus déterminées par les systèmes de croyances et de valeurs des
protagonistes que par leur adhésion à la psychanalyse.
Le cas Reich
Dès 1908, Ferenczi avait réclamé une réforme radicale de l’éducation et
de la pédagogie, avec des consonances vaguement anarchistes, au grand dam de
Freud. Mais Ferenczi avait prophétisé encore plus tard, alors qu'il faisait
partie du cercle des plus proches de Freud, qu'une telle réforme éclairée par la
psychanalyse conduirait vers "une remise d’ordre [de la société]... qui ne tient
pas seulement compte des intérêts de certains puissants." Chaque limitation de
l'individualité, l'"Etat", devrait tout au plus "être l'un des moyens pour le
bien-être de l'individu." (p.215). Pourquoi Freud toléra-t-il de tels points de
vue de la part de ses disciples à ce moment- là (et plus tard) alors qu'il ne
supportait pas la position de Reich ?
La raison centrale semble se trouver dans la façon dont Reich
conceptualisait la prophylaxie des névroses, par des réformes de l'éducation, et
l'avènement de l'homme nouveau et capable d'assumer la liberté. Ferenczi avait
écrit que la future "pédagogie instruite par la psychanalyse" opérerait avec des
moyens fort divers, en tout cas "guiderait la formation des caractères dans des
voies appropriées... en usant de diplomatie intelligente." Ce projet d'une mise
en place de règles et de buts de l'éducation meilleurs, plus humains, plus
effectifs, en tout cas plus positifs et dirigés vers un idéal social,
correspondait aussi aux conceptions de beaucoup d'autres psychanalystes. Dans la
terminologie nouvelle de Freud, introduite en 1923, cela pourrait se formuler
ainsi : l'introjection amenée avec ménagement (grâce aux découvertes de la
psychanalyse) d'un Sur-Moi conçu comme idéal. Ce Sur-Moi, qui agit au sein de
l'individu en tant que siège du ressenti des valeurs, de la morale, de la
conscience etc., ne devrait ni être trop faible -- afin qu'il puisse imposer le
comportement souhaité -- et ni trop fort -- afin de ne pas aboutir à des baisses
de rendement, maladie ou des troubles sociaux.
Reich s'opposa à ce concept dans un de ses textes,
»Der Erziehungszwang und seine Ursachen«
(1926, cf.
Laska, p.142). Il y souligna le potentiel d'action de motivations inconscientes
des éducateurs (névrosés), parlait de "l'éducation en tant qu'équivalent de la
névrose des adultes" et énuméra une série d'arguments psychanalytiques qui
montraient pourquoi l'éducation active conduisait à la névrotisation des
adolescents, même avec les meilleures intentions. C'est pourquoi Reich ne donna
qu'une "règle négative : tempérance de l'éducation jusqu'à l'extrême, limitation
des mesures éducatives aux dénis auxquels on ne peut pas renoncer.
Autrement formulé, pour Reich il s'agissait de montrer qu'il faudrait
empêcher la formation d'un
Sur-Moi dans le sens freudien du terme. Car
cette instance psychique en tant que telle est l'incarnation de l'hétéronomie --
même si elle contenait les normes les plus "justes", voire antiautoritaires.
La contre-productivité de la conduite du comportement par un Sur-Moi,
attestée par une pratique humaine plusieurs fois millénaire et mise en lumière
par la recherche psychanalytique conséquente, est cependant essentielle : "La
'morale' crée justement ces pulsions qu'elle se targue être autorisée à
maîtriser, dans l'intérêt des bonnes mœurs. Et l'abolition de cette morale est
la condition première de l'abolition de l'immoralité qu'elle s'efforce tant et
vainement à supprimer." ( cité d'après Laska, p.78) Le programme de Reich pour
la réalisation de l'humain nouveau, apte à la liberté, s'autodéterminant et
vraiment autonome est, selon la terminologie freudienne : réduction et
finalement élimination du Sur-Moi.
L’école de la Troisième République :
L’éducation supplante l’instruction
Jules Ferry
fait voter les lois qui organisent l’école et la rend gratuite
(1881) obligatoire et laique
(1882). On
construit des écoles communales.
Dans l’idéal condorcétien d’instruction publique, l’école devait, afin
que les enfants puissent se déprendre de leurs déterminismes et de leurs
préjugés, reposer sur une triple séparation : celle d’avec la religion, celle
d’avec le pouvoir politique et celle, temporaire, d’avec la société, condition
sine qua non de l’émancipation intellectuelle et morale de l’élève – qui demande
qu’on l’élève, comme le rappelle judicieusement Alain. Par parenthèse, il y
aurait toute une réflexion à mener sur le parallélisme à établir entre
franc-maçonnerie et école républicaine, l’une comme l’autre ne pouvant plus
prétendre à un humanisme émancipateur dès lors qu’elles ne sont plus séparées de
la
société, qu’on n’en laisse plus le bruit et la fureur
sur le parvis... Ainsi, désormais ouverte, assujettie même à la société, l’école
ne peut plus que socialiser, adapter l’élève à la société telle qu’elle est,
plutôt que de lui donner les outils pour la déchiffrer et la transformer – en ce
sens Condorcet est révolutionnaire quand le projet des pédagogues modernes, qui
taxent l’école républicaine d’archaïsme, est d’essence conservatrice !
En voulant combiner instruction publique
émancipatrice et universaliste, et éducation nationale intégratrice et
patriotique, l’école de la Troisième République offre le modèle d’une éducation
libérale nationale et morale. Éducation car elle dépasse l’instruction en ce
qu’elle entend former l’homme tout entier ; éducation libérale car a-dogmatique
et séparée autant que possible des pouvoirs politique et religieux : elle tend à
l’autonomie ; éducation nationale car l’école forme des citoyens critiques et
patriotes ; éducation morale car elle doit donner foi au devoir.
L’école de la Troisième République n’est donc pas tout à fait celle de
Condorcet puisqu’elle a cherché à combiner plusieurs héritages. On peut
raisonnablement penser, toutefois, qu’elle a servi l’idéal républicain malgré
toutes ses imperfections dénoncées avec une vigueur constante par ses
architectes mêmes – en ce sens républicains authentiques.
Henri Wallon fait entrer Freud dans
l’école de la Troisième
République
Entré à l'École normale
en 1899, il s'oriente vers la
psychologie où il devient l'élève de
Georges
Dumas. C'est après ce parcours qu'il
entreprend des études de médecine qu'il clôt en 1908 avec une thèse sur Le
délire de persécution. Il est mobilisé comme médecin entre
1914 et
1918 et s'intéresse à la
neurologie. Il termine sa thèse de doctorat ès
lettres sur l'enfant turbulent en
1925. Il débute sa carrière universitaire en
psychologie et des consultations dans un centre médico-psychologique. En
1920, il est chargé de cours à la
Sorbonne, puis devient directeur d'études à l'École pratique des
hautes études(1927) et
crée le laboratoire de psychobiologie de l'enfant. Parmi nombre de fonctions
universitaires, il est encore possible de citer sa nomination au
Collège de France. De plus, il s'occupe des enfants
atteints d'arriération mentale (1908-1931).
Pendant la deuxième guerre mondiale, il a été interdit d'enseignement par
le Gouvernement de Vichy et a été Résistant. Ses deux carrières politiques et
universitaires se rejoignent quand il est nommé en
1944 secrétaire de l'Éducation nationale et préside
une commission de réforme de l'enseignement qui marque durablement l'Éducation
nationale sous le nom du
projet Langevin-
Wallon. Directeur
de l'Institut de psychologie de l'Université de Paris, il crée en
1948 larevue Enfance. Il est
président du
Groupe français d'éducation nouvelle de 1946 à son décès en 1962.
Émile Jalley
(1981) a
montré comment Henri Wallon fut un lecteur attentif de la littérature
scientifique et philosophique allemande ; comment il contribua à introduire et à
diffuser dans la théorie psychologique française certains concepts de
Hegel
et de
Freud, même si Wallon était
opposé au concept adultocentré de
sexualité infantile. En
insistant sur la discontinuité et la notion de crise qui sous-tend cette
discontinuité, Henri Wallon se montrait fidèle aux thèses hégeliennes de la
dialectique. Il se distingue en cela de
Jean Piaget, qui valorise plutôt, dans sa propre
description des stades du développement infantile, les interactions au détriment
des ruptures. Henri Wallon eut également une réelle influence sur la
psychanalyse en France et à l'étranger. Émile Jalley a montré qu'il avait repris
certaines observations ou concepts de Freud dans ses développements théoriques.
En retour, certains psychanalystes se sont approprié ses observations, notamment
René Spitz,
Donald Winnicott et
Jacques Lacan, ce dernier lui devant au moins la
reprise du
stade du miroir
Pédagogie et éducation
On confond parfois pédagogie et éducation: le pédagogue, c'est d'abord
l'enseignant, le professionnel. Les spécialistes distinguent cependant
l'éducation, qui est du côté de l'action, de la pédagogie, réflexion d'ordre
philosophique aussi bien que technique, destinée à orienter l'intervention de
l'éducateur.
Les modèles pédagogiques se construisent à la fois à
partir d'une systématisation des savoir-faire expérimentés sur le terrain et
d'une théorie de l'éducation. Cette dernière peut être élaborée par les
praticiens eux-mêmes, mais aussi par des philosophes (Platon,
Rousseau, etc) voire des hommes politiques. Dans
la mesure où elle cherche à transmettre des valeurs, la pédagogie a aussi une
fonction politique: toutes les périodes de transformation sociale (l'époque
carolingienne,
la Révolution
française, l'avènement
de
la III e République ) ont donné
lieu à la production de nouvelles doctrines pédagogiques. Enfin, la pédagogie
utilise à des degrés divers les apports des sciences humaines: elle a été
influencée par les travaux de Jean Piaget et H. Wallon, les découvertes de la
psychanalyse, la psychosociologie.
L’application de l’analyse à la pédagogie
Sigmund Freud considérait l'enseignement de la
psychanalyse comme indispensable pour les éducateurs. La psychanalyse considère
l'éducation comme une répression pulsionnelle. L'enfant doit acquérir le
principe de réalité et devenir capable d'ajourner la satisfaction de désirs,
voire de renoncer à certains modes de satisfaction. L'enfant le fait par amour,
avant tout pour ses parents, et
la pédagogie doit respecter ce principe.
« Quant à l'application de l'analyse à la pédagogie, je n'y ai
personnellement contribué en rien; mais il était naturel que
les découvertes analytiques sur la vie sexuelle et sur l'évolution
psychique des enfants attirassent l'attention des éducateurs et leur
fissent apparaître leurs tâches sous un jour nouveau comme pionnier
infatigable de cette orientation dans la pédagogie, s'est particulièrement
signalé à Zurich le pasteur O.Pfister, qui a trouvé la pratique de l'analyse
compatible aussi avecle maintien d'une religiosité il est frai sublimée;
citons à ses côtés Mme le Dr Hug-Hellmuth et le Dr S. Bernfeld à Vienne,
ainsi que beaucoup d'autres. L'utilisation de l'analyse pour l'éducation
préventive de l'enfant sain, de même que pour l'éducation corrective de l'enfant
non encore névrosé, mais dévié dans son évolution, a donné lieu à
une importante conséquence pratique. Il n'est plus possible de réserver
l'exercice de la psychanalyse aux médecins et d'en exclure les non- médecins. En
fait, le médecin qui n'a pas suivi une formation spécialisée est en dépit de son
diplôme un profane en analyse, et le non-médecin peut, moyennant une préparation
adéquate et le recours occasionnel à un médecin, remplir également la tâche du
traitement analytique des névroses. Du fait de l'un de ces développement contre
l'aboutissement desquels il serait vain de se cabrer, le mot psychanalyse
lui-même est devenu plurivoque. Ayant désigné à l'origine un procédé
thérapeutique déterminé, il est aussi devenu actuellement le nom d'une science,
celle du psychique inconscient. Cette science ne peut que rarement venir à elle
seule totalement à bout d'un problème; mais elle paraît appelée
à fournir des contributions importantes aux champs les plus divers du savoir
» Sigmund Freud (Extrait de Sigmund Freud présenté par lui-même
Collection Folio Bilingue)
« L’important intérêt de la psychanalyse pour la science de l’éducation
se fonde sur un énoncé qui est à l’évidence. Ne peut-être un éducateur que celui
qui peut sentir de l’intérieur la vie psychique infantile, et nous adultes ne
comprenons pas les enfants parce que nous ne comprenons plus notre propre
enfance » Sigmund Freud
De son propre aveu, Freud reconnaît que l’éducation n’est pas un sujet
dont la psychanalyse se soit particulièrement occupée.
« Un seul thème cependant me retiendra un instant, écrit-il dans les
nouvelles conférences sur la psychanalyse ; non pas qu’il me soit très familier,
ni que j’y ai moi-même beaucoup travaillé ; bien au contraire, à peine m’en
suis-je préoccupé jusqu’ici mais de tous les sujets étudiés par la psychanalyse,
c’est celui qui nous semble avoir la plus grande importance vu les magnifiques
perspectives qu’il offre pour l’avenir. Je veux parler de l’application de la
psychanalyse à la pédagogie, à l’éducation de la génération à venir. »
Sigmund Freud
Quelles sont les raisons susceptibles de conférer une telle importance à
la psychanalyse dans le cadre du projet pédagogique ?
A quelle
titre le psychanalyste possède- t-il un titre spécifique de légitimité à
théoriser la
question de l’éducation ?
Freud répond à ces questions en pointant le dénominateur commun de la
psychanalyse et de l’éducation toutes deux reconnaissent l’importance décisive
de l’enfance dans l’évolution de l’homme.
Il est facile de voir, précise Freud comment nous avons pu parvenir à
comprendre l’importance pédagogique de l’analyse. Chaque fois qu’en traitant un
névrosé adulte nous parvenions à pressentir la cause de ses symptômes, nous nous
trouvions infailliblement ramener à l’époque de sa prime enfance.
Qu'en est-il
vraiment de l'application de la psychanalyse à la pédagogie?
Freud dit n'y avoir personnellement contribué en rien, laissant à Mélanie
Klein et à Anna Freud, sa fille institutrice, le soin d'une application du
modèle métapsychologique au champ de l'éducation. Pourtant l'enfance est
présente partout dans la réflexion freudienne. Rares sont les notices
analytiques qui n'y font pas référence. De la théorie des stades au concept de
« séduction précoce », de l'idée de sexualité
infantile à celle, centrale d'Oedipe, l'ensemble de l'oeuvre repose sur une
théorie de l'enfance et de son développement.
L'enfance apparaît comme une période déterminante pour la formation de la
personne
"Sigmund a
très tôt pensé que la psychanalyse pouvait apporter ses lumières aux domaines de
l'éducation et de l'enseignement.
A sa suite, bien des
psychanalystes et des pédagogues ont cherché les outils théoriques et pratiques
permettant d'éduquer et d'enseigner dans la reconnaissance des dimensions
inconscientes du sujet.
Si Freud ne
s'est pas véritablement penché sur la pédagogie dans le contexte d'une classe ou
d'une institution, August Aichhorn et Hans Zulliger se sont engagés à le faire,
se confrontant alors à quelques impasses dans leur application du corpus
freudien : l'impasse d'un transfert quasi obligatoire sur la figure du maître ou
celle d'une identification au maître sur le modèle de l'identification au meneur
développée dans "Psychologie des masses et analyse du moi"
Dans des textes peu connus de Freud, d'Aichhorn et de
Zullinger, on trouve déjà des questions sur lesquelles les pédagogues butent
aujourd'hui : autorité, autonomie, interdit de pensée, illusion du progrès et
difficile prophylaxie. C'est une référence pour tous ceux qui travaillant dans
l'éducation et la formation ne nient pas l'efficience des phénomènes
inconscients.
Ce qu’il y aura de changé, c’est sa façon de juger un grand nombre de
manifestations psychiques de l’enfant et par suite son attitude à leur égard.
Une intelligence approfondie de l’âme enfantine, tel est le considérable,
l’inappréciable bénéfice que l’éducateur retirera de l’étude de la psychanalyse.
(…)
Il n’est d’ailleurs pas question, pour l’instituteur initié à la
psychanalyse, de s’ingénier à appliquer sans cesse ses talents à ses élèves, de
mettre ceux-ci sur un piédestal et de s’émerveiller de tout ce qu’il découvre en
eux. Désormais il n’aura que rarement ou même plus du tout à pratiquer lui-même
la psychanalyse. Mais, dans les cas où, grâce à ses connaissances, il aura
constaté une sérieuse anomalie psychique, il attirera sur elle l’attention des
parents et les amènera à recourir aux soins d’un médecin compétent.
Ce qu’il y aura de changé, c’est sa façon de juger un
grand nombre de manifestations psychiques de l’enfant et par suite son attitude
à leur égard. Une intelligence approfondie de l’âme enfantine, tel est le
considérable, l’inappréciable bénéfice que l’éducateur retirera de l’étude de la
psychanalyse(…) Les jugements de l’école, les
classements qu’elle établit, sont faux, faux en ce sens qu’elle juge
exclusivement le savoir. Mais ce n’est pas ce que demande la vie. Pour elle,
tout est dans le pouvoir. Naturellement, il faut que celui qui « peut », sache.
Mais le savoir n’a, comme tel, qu’une importance secondaire ; il n’est souvent
que le chemin, le moyen du pouvoir, moins encore quelquefois : ce que nous «
savons » est bien peu de chose ! « Savoir, c’est pouvoir », dit-on parfois.
C’est une absurdité ; la vie le prouve tous les jours. S’il en était autrement,
nos brillants sujets scolaires devraient, vis-à-vis des cancres, réussir bien
autrement dans la vie que ce n’est, généralement le cas. L’école d’aujourd’hui
surestime le savoir au détriment du pouvoir; elle
enseigne trop, elle n’élève pas assez. On peut dire
qu’en fait le maître n’a généralement pas à faire œuvre d’éducateur : ses élèves
sont assis immobiles à leur banc ; dans l’intervalle des classes le règlement
détermine leur conduite et sur eux plane la menace de la punition. L’ère du
machinisme qui s’achève (si Dieu le veut) s’est constituée en système qui exclut
à peu près entièrement la seule vraie discipline, celle que l’on exerce sur
soi-même. Un système, un ordre valable pour tous règle la vie scolaire et
enchaîne les volontés individuelles, contraint la liberté des mouvements et le
développement de la personne, comme font, pour la vie publique, tous les
règlements et les petits décrets qui se multiplient. Quand l’adolescent a été
réduit à l’état d’empreinte, empreinte d’un cliché découpé dans l’inflexible
acier d’une légalité qui se constitue et s’impose à nous de l’extérieur, le
maître n’a plus, finalement, à se considérer comme chargé d’autre chose que de
transmettre un savoir. S’il survient un événement où se trouve engagée sa
personnalité d’éducateur, il en reçoit une impression pénible, comme d’un
dérangement dans sa mission qui est de communiquer une certaine somme de
connaissances. Tout son effort tend, en usant de moyens tout extérieurs de
répression, à ramener au type normal l’élève qui s’en est écarté, de façon à
pouvoir reprendre le plus tôt possible ce culte rendu
à la science qu’est son enseignement. Il se
soucie peu des motifs profonds de la résistance des élèves, motifs qu’il lui est
impossible d’atteindre, car la punition est plus expéditive,- et parce qu’il n’y
a pas d’examen pour mesurer l’art si profond de l’éducateur, ni d’inspecteurs
pour qualifier en une demi-journée les maîtres aptes à le pratiquer. Mais il y a
pis ; et il n’est pas rare de voir considérer comme un « mauvais maître » celui
qui s’occupe beaucoup d’éducation ; surtout si, ce faisant, il réduit si peu que
ce soit la quantité qu’il enseigne, tandis qu’un autre chez lequel « il ne se
passe jamais rien », parce qu’il est tatillon et inquisiteur, aura la réputation
et les avantages d’un bon maître. (…)
La psychanalyse à l’école Hans Zullinger (Traduction parue en 1930 aux
éditions Flammarion)
Lorsque les grands protagonistes de la " cause " Freud, le pasteur
Pfister, Jung, s’adonnent dans leur correspondance à l’espoir que les " lumières
" fournies par la psychanalyse vont " éclairer " les éducateurs de façon
inestimable d’entrée de jeu à la fois l’originalité et le réalisme de la pensée
de Freud, sur le malaise inhérent à la sexualité elle-même et l’impossibilité de
la satisfaction, sur l’importance de ne pas réprimer les pulsions sexuelles, "
ces sources de forces fécondes ", mais de les transformer, de les sublimer à
l’encontre de ce que pratique la pédagogie répressive, productrice d’un surmoi
écrasant et ignorante du développement organique de l’enfant.
Si Freud invite les
pédagogues à renoncer à soumettre les enfants à tout " interdit de penser " et à
réfléchir aux illusions qui sous-tendent toute volonté de transformation dans le
champ de l’éducation, il les encourage, en revanche, à développer leur
connaissance du psychisme de l’enfant ainsi que celle de leur propre
affectivité, où se logent les identifications imaginaires et où se jouent tous
les risques de dérive. Parmi les textes plus
explicitement consacrés aux rapports entre la psychanalyse comme " pôle
théorique " (p. 39) et la pédagogie dont la tâche est d’inventer les conditions
de mise en oeuvre du savoir de l’inconscient dans son champ, " l’intérêt de la
psychanalyse " de 1913, la Préface au livre d’Aichhorn, Jeunesse à l’abandon, de
1925, et la Nouvelle suite des leçons d’introduction à la psychanalyse de 1932
retiennent justement l’attention de Freud
s’exprime assez clairement sur sa conception du travail éducatif et ceci dans un
passage de la sixième des Nouvelles conférences, il y fixe ainsi la tâche de
l’éducateur : il s’agit de « connaître les Particularités constitutionnelles de
l’enfant, savoir deviner grâce à de petits indices ce qui se passe Dans son âme
encore inachevée, lui témoigner sans excès l’amour qui lui est dû tout en
conservant L’autorité nécessaire » « tâche malaisée » pour les éducateurs
constate Freud, « et en l’envisageant On se dit que seule l’étude approfondie de
la psychanalyse est capable de constituer une préparation suffisante à
l’exercice d’une telle profession. Les
éducateurs nous dit Freud, qu’ils agissent sur les enfants, les adolescents ou
les adultes agissent toujours sur l’Enfant, c’est-à-dire sur la jouissance.
C’est en cela que Freud définit l’éducation dans ses conférences de 1917 comme «
le sacrifice de la pulsion ». L’Enfant étant un autre nom de la jouissance.
La pensée de Freud peut-elle nous
éclairer aujourd’hui ?
Un avis parmi d’autres…
Dans chacun de nos pays qui se veut développé, l'accent est mis de façon
évidente ces dernières années sur l'éducation et l'encadrement des enfants dès
leur plus jeune âge. Sur les méthodes utilisées, les avis sont partagés car on
peut se demander si notre système ne présente pas certains effets pervers
inconnus de nous ou que nous nous obstinons à ignorer.
Freud, psychanalyste de notre siècle, ne serait-il pas en mesure de nous
aider à y voir clair ? Il se démarque en effet du point de vue de ses
contemporains en refusant de cautionner certaines dispositions de l'éducation
qui, selon lui, font de l'enfant une victime, ainsi que l'atteste le passage de
son œuvre qui traite de la valeur de l'éducation jugée du point de vue
psychanalytique.
Un examen attentif du texte devrait nous permettre, au vu du cheminement
réflectif de Freud, de savoir si l'on doit ou non continuer sur notre lancée au
risque de poursuivre sur un cheminement pédagogique erroné.
Tout au long du texte, Freud tente de clarifier une situation équivoque,
qui est celle dans laquelle nous nous trouvons en matière de pédagogie. En
effet, il est question pour lui de mettre le doigt sur une monstruosité
engendrée par notre système, à savoir le refoulement, fruit vénéneux de notre
modèle éducatif.
C'est pourquoi Freud est amené à s'interroger sur d'éventuelles solutions
qui permettraient aux parents, mais aussi au corps enseignant, de rompre avec le
processus pathogène du refoulement.
De cette façon, Freud se pose sans équivoque comme étant en contradiction
avec les gens de son époque et se porte volontaire pour apporter des solutions
au problème qu'il soulève. Il est d'avis que le refoulement engendré par la "
répression d'instincts puissants exercée par l'extérieur " conduit
immanquablement à la névrose. Il pense que l'homme devrait s'appuyer sur ses
tendances, fussent- elles perverses, pour s'améliorer; c'est ce qu'il appellera
le processus de sublimation.
Freud argumente en deux temps : il énonce tout d'abord sa critique qu'il
justifie, développe et synthétise ensuite. Dans la première phrase, il exprime
son point de vue sur la répression de instincts en l'opposant à l'opinion
commune qu'il récuse, à savoir l'extinction ou la domination des " instincts
asociaux " qui sommeillent en nous. Dans la suite du passage, il explicite le
bien-fondé de sa thèse en mettant l'accent sur les effets néfastes découlant
d'une telle initiative de répression. Il développe ensuite les caractères
positifs que pourraient revêtir nos tendances perverses innées en nous proposant
le procédé innovant qu'est la sublimation, le tout en s'appuyant sur un constat
prouvant la rai- son d'être de sa thèse. Pour finir, il fait une brève synthèse
de son argumentation et quitte le lecteur sur un conseil qui le poussera à
s'interroger. Freud se livre d'entrée de jeu à une critique sans ménagement,
consistant à dire que la répression de nos instincts n'en a jamais fait des
pulsions anéanties ou dominées. C'est pourtant l'idée que se font la majorité
des gens. Au terme de l'éducation qui lui est dispensée depuis son plus jeune
âge, un individu doit ressortir purifié de ses tendances " honteuses "
originelles pour n'être plus qu'un être digne, maître de lui, animé uniquement
d'intentions louables. En d'autres termes, de l'éducation sur- girait l'être
humain au sens noble du mot. Or Freud s'oppose catégoriquement à cette théorie,
qu'il juge aberrante. Pour lui, le refoulement occasionné par une telle pratique
éducative est source de névroses. Le but de l'éducation est donc manqué en ce
que celle-ci opère sur ses " sujets " l'effet inverse que l'objectif
initialement fixé. L'éducation va alors à l'encontre de sa finalité formatrice
car au lieu de nous laver de notre facette maligne, elle s'ajoute comme source
supplémentaire de maux. Non contente de pervertir l'être humain, elle le mène à
sa ruine.
Après avoir dénoncé sans ménagements l'éducation répressive, Freud
s'appuie sur sa pratique personnelle pour donner davantage de poids à son rejet
lorsqu'il dit que " la psychanalyse a souvent eu lieu l'occasion d'apprendre… "
les effets nocifs du refoulement des pulsions de l'enfant. On en dé- duit qu'il
a pu, à de nombreuses reprises, constater les dégâts d'une éducation abusivement
sévère qui, par le truchement de ce qu'il appelle par ailleurs le "sur-moi",
instance intériorisée des interdits qui pèsent socialement sur l'enfant, réprime
ses pulsions, constitutives de son "ça". Il s'appuie d'ail- leurs sur des
observations cliniques, telles que celles de la genèse de " maladies nerveuses "
et évoque " le préjudice de la capacité d'agir et de la capacité de jouir " subi
par l'enfant névrotique pour illustrer son argument. C'est alors qu'envisageant
les intentions de l'éducation répressive, il aborde le thème de la " normalité
exigée ". On peut dès lors se demander quelle est cette normalité si chaque
homme se trouve en partie anéanti par un refoulement qui le mine. Car si nous ne
refoulions pas ce qui serait consciemment pour nous source de déplaisir ou de
souffrance, nous aurions la capacité de trouver un remède à ces maux. Mais les
garder ensevelis dans notre inconscient est beaucoup plus néfaste que
d'affronter la réalité car le mal nous ronge petit à petit de l'intérieur.
Freud en arrive ainsi à envisager une autre
orientation possible de l'éducation qui, au lieu de cher- cher à voiler au plus
tôt nos côtés pervers, tendrait au contraire à les exploiter et à s'en servir
comme d'un tremplin pour s'améliorer. Car c'est bien là l'essence même de la
sublimation de transformer nos pulsions ou sentiments inacceptables en désirs
orientés vers des buts socialement valorisés. En effet, pourquoi ne pas
exploiter le filon de certaines tendances initialement néfastes, comme par
exemple l'agressivité, source de barbarie et de débordements de violence, pour
l'orienter positivement en la mettant au
service de causes nobles, comme la défense des plus faibles, à la façon d'un
Robin Des Bois. Brider ce qui peut s'avérer être un atout se révèle en effet
absurde; et on comprend que Freud fustige le manque de discernement des
éducateurs inconsidérément sévères ! Freud prouve indéniablement la véracité de
ses propos en nous disant que " nos meilleures vertus sont nées […] sur l'humus
de nos plus mauvaises dispositions ": d'où viennent en effet les vraies qualités
morales, appelées "vertus", sinon d'une heureuse mise en œuvre de nos pulsions
initiales, ordonnées initialement à l'obtention de notre seule jouissance ? La
normalité conservatrice va donc à l'encontre de la créativité et de la diversité
des hommes qui fait pourtant leur richesse. S'obstiner à la rechercher équivaut
à maintenir volontairement l'humanité à l'état larvaire.
Dans sa dernière phrase, Freud nous met une ultime fois en garde contre
le gâchis et les troubles qu'opère l'éducation telle qu'elle nous est présentée
et nous quitte sur un conseil visant à nous faire réfléchir sur la tournure que
devrait prendre l'éducation afin de ne pas se détourner de son objectif premier
en disant que " L'éducation devrait se garder soigneusement de combler ces
sources de forces fécondes et se borner à favoriser les processus par lesquels
ces énergies sont conduites vers le bon chemin. " .Par
son argumentation, Freud règle leur compte à des idées éducatives reçues,
auxquelles bien des esprits seraient tentés aujourd'hui de revenir en
réintroduisant une disciple de fer là où le laxisme s'est installé, et il fait
ainsi un travail que l'on pourrait qualifier de philosophiquement sanitaire. Il
se livre en effet à une critique acerbe de l'éducation telle qu'elle se présente
à son époque, critique dont on ne peut que reconnaître le bien- fondé
psychologique et culturel. Il est d'avis que l'enfant ne doit pas sans cesse
être bridé et maintenu dans le carcan dit " du droit chemin ", mais au contraire
devrait bénéficier de stimulations afin de se forger un caractère qui ne
corresponde pas forcément à un idéal type préétabli. Il prône ainsi un système
éducatif avant-gardiste, basé sur la sublimation dans le but de remédier au
problème du refoulement. Non content de remettre en cause l'éducation
traditionnelle à cause des conséquences perverses et novices que celle-ci
implique, Freud préconise ainsi un mode d'éducation nouveau, correctif et non
répressif, qui a largement influencé la pratique éducative d'abord américaine
puis, globalement, occidentale. Malgré tout,
son argumentation peut appeler quelques réserves de notre part. En effet, la
théorie de Freud, bien que séduisante, est fondée sur des hypothèses
psychologiques qui restent en grande partie à valider. Il a certes pu vérifier
les effets pervers du système éducatif de la Vienne impériale sur la clientèle
qu'il a reçue, mais la validité de sa théorie-remède n'en reste pas moins en
grande part indémontrée, au même titre que l'existence d'un inconscient qui
serait à résorber. L'hypothèse de l'inconscient, lieu de pulsions refoulées peut
laisser en effet encore plus d'une personne sceptique, tels qu'Alain l'était au
début du siècle ou Sartre encore, plus proche de nous. Georges Steiner lui- même
trouve malheureuse la cure psychanalytique qui prétend lever le refoulement en
nous privant de nos combats intérieurs. Freud lui-même n'a-t-il pas refusé
d'analyser Rainer Maria Rilke, eu égard au fait qu'il tarirait alors sa
créativité poétique ? Enfin, quantité de
personnes n'ont-elles pas vécu et ne continuent-elles pas de vivre sans problème
particulier, ayant pourtant reçu la même éducation sévère que d'autres,
souffrant de troubles pro- fonds. On peut dès lors se demander si le mal ne
provient en grande part de la personnalité de l'individu plutôt que de son
éducation. Il ressort de notre analyse de la
pensée de Freud sur la question de l'éducation qu'il n'est pas en phase avec son
temps. Nous devons verser à son crédit la proposition de méthodes innovantes
pour pallier aux faiblesses inhérentes au système éducatif traditionnel, souvent
plus stérilisant que stimulant. Malgré tout,
son argumentation reste fragile et la solution qu'il préconise sujette à
caution. N'est-ce pas le signe qu'entre la répression et le laisser-aller,
l'éducation idéale est difficile à trouver ?
Psychanalyse
et pédagogie
ou: d'une prise en compte de
l'inconscient dans le champ pédagogique
II est courant de poser la problématique des rapports entre psychanalyse
et pédagogie en termes d'«application ». Ce concept reste cependant équivoque et
désigne mal les diverses modalités d'une relation entre l'« analytique » et le «
pédagogique ».
La psychanalyse se présente à la fois comme une pratique (la cure
analytique) et un savoir (le corpus des connaissances analytiques). La pédagogie
réfère de son côté soit à des pratiques, soit à des théories ou des
théorisations de la pratique.
La
problématique de leurs rapports peut dès lors être schématisée comme suit :
— S'agit-il de transposer le modèle de la cure à la pratique pédagogique
ou à la théorie de cette pratique ?
— S'agit-il
d'inspirer pratique ou théorie pédagogique par le savoir analytique ?
— S'agit-il d'utiliser ce savoir pour une exploration du champ
pédagogique aboutissant à la production de connaissances nouvelles sur le dit
champ ?
— S'agit-il enfin d'être analyste dans l'acte même de recherche et
d'écoute de ce qui se passe dans ce champ ?
Si la notion d'« application » peut être dite
pertinente dans les deux premiers cas, puisqu'il s'agit d'étendre la
psychanalyse à un autre domaine, elle ne l'est en revanche pas dans les deux
autres cas. Ces derniers relèvent d'une approche, à fin de connaissance, qui
utilisent l'interprétation analytique, et qui peuvent être conceptualisés en
termes de lecture et de décryptage.
L'unité de ces deux catégories — disons d'« usage » — de l'analyse réside
néanmoins dans la visée dernière d'une prise en compte de l'inconscient, soit
dans l'activité et la théorie pédagogique, soit dans la recherche fondamentale.
Freud et ses disciples éducateurs (1908-1937)
La première expression publique d'un travail de réflexion spécifique sur
une approche psychanalytique des dispositifs pédagogiques date de 1908. Il
s'agit d'une conférence de Sandor Ferenczy, un des psychanalystes de la première
génération des disciples de Freud, prononcée à Salzbourg, sur le thème «
Psychanalyse et pédagogie ». Ferenczy met en question le caractère répressif de
l'éducation de son époque ; il voit notamment dans la pédagogie un « bouillon de
culture des névroses les plus diverses » : elle « néglige la véritable
psychologie de l'homme », cultive le refoulement des émotions et mène à une «
cécité introspective » (Ferenczy S. ; 1908, in Oeuvres complètes, t. 1, 51-56).
Mais c'est Oskar Pfister, un pasteur protestant qui pratique déjà des
cures analytiques à Zurich (inspiré par Jung) qui donne l'année suivante à Freud
l'occasion d'approuver le projet d'une « application » de la psychanalyse à
l'éducation ; il s'agit de deux textes qu'il lui adresse : l'un est intitulé «
Idée délirante et suicide chez les écoliers» (1909), l'autre «Soin
psychanalytique des âmes et pédagogie morale».(1909). Une pédagogie qui prenne
en compte les découvertes de la psychanalyse devrait, dit Pfister, permettre de
mieux préparer l'enfant à une vie non névrotique. Freud lui répond qu'il adhère
à une idée qui s'inscrit dans la possibilité d'étendre la psychanalyse à
d'autres disciplines, dont la pédagogie.
Education et instruction
« L’instruction se définit nominalement comme la transmission de
connaissances. Instruire c’est donner des outils, des instruments ; c’est donc
fournir à quelqu’un les outils qui lui permettront de fabriquer quelque chose,
ce n’est donc aucunement notons-le fournir la chose toute faite! par la,
l’instruction a pleinement part au projet d’autonomie dont l’enfant est l’objet.
S’instruire
signifie donc acquérir des connaissances mais ces connaissances elles-mêmes ne
peuvent à proprement parler, être transmises par le maître.
On peut
fournir des outils permettant d’élaborer une activité de construction, on ne
saurait transmettre une activité de construction.
Celle-ci
devra être nécessairement voulue, désirée par le sujet lui-même.
En ce sens,
la nature de l’instruction est une auto-construction, et toute instruction doit
viser l’autonomie. Le travail du maître est seulement de donner à l’élève le
goût de l’étude, de le guider dans ce projet d’émancipation intellectuelle.
Instruire signifie ainsi libérer l’autre en l’aidant à
penser par soi-même et à construire une connaissance vraie objectivement mais
aussi subjectivement.
Instruction
et éducation se rejoignent dans une finalité commune qui est de rendre libre.
Eduquer c’est élever comme nous
l’enseigne l’étymologie
Eduquer un enfant, c’est le faire grandir, l’élever dans son humanité non
certes pour l’instrumentaliser mais au contraire pour lui donner les moyens de
se passer ultérieurement de son maître et de devenir autonome
Eduquer consiste à conduire de la nature à la liberté
La confusion entre éduquer et instruire est préjudiciable et plus
particulièrement lorsqu’il s’agit de définir la mission essentielle de l’école.
Il y a une place pour l’éducation en
plus de l’instruction et au-dessus d’elle !
L’instruction s’adresse
exclusivement à l’esprit qu’elle vise à former par l’acquisition des savoirs et
le libre exercice du jugement; l’éducation, de son côté, s’adresse à l’être tout
entier – non seulement raison, mais sensibilité, affectivité, sexualité, sens
moral, sens civique qu’elle appelle à s’épanouir par la soumission de sa
conduite à des valeurs.
En ce sens,
la visée éducative est plus large que celle de l’instruction : elle vise l’homme
total dont elle l’épanouissement intégral.
Ainsi donc, que l’école éduque ou
qu’elle instruise, elle ne doit enseigner que ce qui peut se fonder
en raison et elle ne doit s’adresser qu’à la raison de
ceux qu’elle enseigne. Vouer les enfants à la
seule puissance de la raison et à la seule contrainte de la vérité, telle est la
mission de l’école, mais aussi en fin de compte de
toute éducation bien pensée. La fin de la
psychanalyse tout comme celle de l’éducation est consubstantielle avec le projet
d’autonomie. Psychanalyse et éducation parlent d’une même voix, elles
nourrissent le même projet et visent la même fin : la liberté.
La
psychanalyse peut nous faire comprendre l’enjeu de la tâche éducative par le
regard qu’elle jette sur l’être humain
Est-ce
sérieux ?
‘’Nous avons un parallélisme entre les voies du désir sexuel et le chemin
vers le savoir et l’inhibition les affecte de façon concomitante. Freud le
confirme lorsqu’il fait de l’inhibition une mesure pour se protéger des conflits
avec le çà, il prend l’exemple de l’écriture
« Lorsque l’écriture, qui consiste à faire couler d’une plume un liquide
sur une feuille de papier blanc, a pris la signification du coït, elle est
abandonnée parce qu’elle reviendrait à exécuter l’acte sexuel interdit »
Cette
inhibition protectrice vaut également face au Surmoi (elle est alors au service
de l’auto- punition) et face aux exigences de l’idéal du Moi.
Enfin, certaines inhibitions sont liées à la dépression ou au deuil qui
impose un travail psychique qui accapare toute l’énergie psychique disponible.
Ainsi, un enfant bloqué dans ses apprentissages, s’il n’est pas déprimé (le
fléchissement scolaire est un symptôme dépressif souvent mal reconnu) est aux
prises avec l’inhibition psychique.
- Soit parce que les performances
scolaires satisferaient trop le parent qui les attend, c’est-à- dire que le
savoir est en place d’enjeu de séduction incestueuse.
- Soit parce que la réussite scolaire
attiserait la rivalité oedipienne, en amenant le fils, par exemple, à dépasser
son père dans les études, ce qui équivaut à le tuer symboliquement et expose à
l’angoisse de représailles sous la forme de la menace fantasmatique de
castration
- Soit enfin, qu’il préfère se contenter
de peu plutôt que de décevoir une attente idéale ou bien qu’il s’interdise ou se
limite dans l‘acquisition de savoirs qui battent en brèche les idéaux
En effet, une scolarité brillante peut être assimilée à un désaveu de la
culture d’origine pour le fils d’immigré ou pour l’élève d’extraction modeste,
par exemple.
Le succès représente alors un déchirement vis-à-vis des modèles et des
cadres culturels familiaux. Dans l’apprentissage, il s’agit toujours au fond de
quitter : quitter un terrain connu pour un espace encore inconnu de
connaissances nouvelles, quitter ses parents, quitter sa culture d’origine, etc.
Apprendre confronte toujours à la castration. C’est toujours une épreuve que
certains enfants qui semblent avoir dépassé leur problématique oedipienne et
dont le désir d’apprendre apparaît intact, échouent de façon inquiétante comme
si l’accès à la connaissance les menaçait réellement familiaux. L’inhibition
correspond ici à un interdit de savoir renvoyant à un élément qui doit rester
ignoré : quelque chose qui représente un danger perçu comme réel : (histoires
obscures de famille, concernant souvent la filiation, maltraitance ou abus, vœu
de mort sur un membre de la famille, maladie d’un proche, etc, qui ne doit pas
être su, ni représenté, et cette omerta contamine toute possibilité de savoir.
Le poids des non-dits et de l’interdit de savoir (qu’il soit énoncé
explicitement ou non) envahit l’ensemble du champ de la connaissance.
On comprend, pour conclure, que tout processus
d’apprentissage, et donc toute pédagogie implique le passage par une succession
d’épreuves et de renoncements qui pourraient s’avérer initiatiques.’’
Un avis peu
nuancé………..
« En pédagogie, le massacre freudien est incommensurable, sa logique
fondamentale, ici, est simple :
Puisque la
culture est un vernis gagné au prix de la répression et que ce vernis est un
mécanisme de
destruction du plaisir, visons l’authenticité.
Et comment atteindre cette authenticité : en évitant
toute répression. Le bonheur et l’accomplissement tiennent à l’éclosion
spontanée de ce « bon sauvage » qui se cache au fond de l’inconscient pur et
sans tache de tout individu. Ergo : nous avons mis au point une pédagogie de la
complaisance et de la facilité où le premier impératif n’est pas d’acquérir les
outils de la survie et de se mesurer aux exigences du réel, mais tout bêtement
de s’exprimer. »
C’est mieux
………………….
Il est difficile de défendre l’image d’un Freud pédagogue mais par contre
on peut tout à fait prétendre qu’il était par contre pénétré de l’importance
d’une extension des découvertes de la psychanalyse au champ de la pédagogie.
Ce qui autorise, en tout état de cause, des versions différentes voire
opposées de Freud, ce sont ses propres contradictions. En effet, il y a au moins
16 mentions de l’application de la psychanalyse à l’éducation dans ses divers
écrits entre 1909 et 1932, dont les plus significatifs sont essentiellement une
Préface au livre de Pfister la Méthode psychanalytique (1913), un chapitre de
l’Intérêt de la psychanalyse intitulé « l’Intérêt du point de vue pédagogique »,
qui date également de 1913, la Préface au livre d’Aischorn Jeunesse à l’abandon
(1925), et surtout en 1932 la fameuse « sixième Conférence » traduite dans les
Nouvelles conférences sur la psychanalyse. Or, tout se passe comme si Freud
passait d’une vue « optimiste » des rapports psychanalyse / pédagogie à une vue
plus «pessimiste ». Il écrit en 1925 : « De toutes les utilisations de la
psychanalyse, aucune n’a rencontré autant d’intérêt, éveillé autant d’espoir,
que son application à la théorie et à la pratique de l’éducation des enfants ».
Mais si, dans la « Sixième conférence » l’accent est mis au départ sur les
« magnifiques perspectives » qu’offre pour l’éducation
de la génération à venir l’ « application de la psychanalyse à la pédagogie »,
les choses évoluent au fil du discours puisque en définitive l’éducateur ne
pourra guère apprendre de la psychanalyse que l’art de naviguer entre le «
Scylla du laisser-faire et le Charybde de l’interdiction ». La confiance
précédente dans la possibilité pour l’éducateur pratiquant une « éducation
psychanalytique » d’éviter à l’enfant de tomber dans des névroses cède la place
à une sorte de repli désabusé sur des positions pédagogiques bien banales. Freud
semble même s’excuser de ne pas s’aventurer lui-même dans le domaine
pédagogique, tout en se disant particulièrement
heureux que sa fille Anna Freud « se voue à cette tâche » ce qui rachète sa
propre abstention »
Education nouvelle
Courants pédagogiques
L'éducation nouvelle s'appuie sur les principes de la
pédagogie active
et la confiance dans les ressources
propres à chacun. Elle prône un
apprentissage à partir du réel et du libre choix des
activités. Les différents pédagogues de ce mouvement expriment de diverses
manières cette nécessité de favoriser l'expérience personnelle : pour
John Dewey,
on apprend en faisant (« Learning by
doing »),
Freinet lui fait écho en parlant de tâtonnement
expérimental.
Decroly
estime qu'il faut partir des centres
d'intérêts,
Cependant, l'éducation nouvelle ne se limite pas à un
enseignement par des méthodes actives venant se substituer à l'enseignement
magistral. Elle estime que l'éducation ne peut isoler l'enseignement
des matières académiques des autres champs de
l'éducatif, et attache une importance égale à tous les domaines : intellectuels,
artistiques, mais également physiques, manuels et sociaux. C'est une éducation
globale, où est important le milieu de vie élaboré par l'école.
L'apprentissage de la vie sociale est essentiel : depuis le «
self-government » de
Summerhill aux
conseils coopératifs
de la
pédagogie
institutionnelle, le respect
de l'enfant implique qu'il soit partie prenante des règlements qui régissent sa
vie.
Cette pédagogie a été historiquement expérimentée dans
des lieux où les enfants vivaient en permanence : orphelinats ou internats.
Adolphe Ferrière estimait en 1919 qu'une école nouvelle était
nécessairement un internat situé à la campagne. La
mixité y était
également considérée comme un point indispensable.
De nos jours, pour
atteindre ces mêmes objectifs, elle associe étroitement les parents à la vie de
l'école.
La Pédagogie FREINET, la Pédagogie Institutionnelle,
la Pédagogie
Différenciée…
Courant des méthodes actives Pédagogie Freinet
La pédagogie Freinet est une pédagogie originale, mise au point
par
Célestin Freinet, fondée sur l'expression libre des
enfants ; texte libre, dessin libre, correspondance interscolaire, imprimerie et
journal étudiant, etc., qui se perpétue de nos jours. Célestin Freinet pensait
avant tout en termes d'organisation du travail et de coopération. Freinet parle
de « technique Freinet », pas de méthode ou de pédagogie, car les techniques
évoluent. Il a mis au point un livre intitulé Les techniques Freinet de
l'école moderne (1964). Depuis 1899 le mouvement de l'Éducation nouvelle
existe officiellement, grâce au
pédagogue suisse
Adolphe Ferrière, et sous divers courants (Ferrière,
Édouard Claparède, Ovide Decroly, Roger Cousinet, etc.).
Freinet a été instituteur, d'abord à
Bar-sur-Loup
(1920-1928), puis à
Saint-Paul-de-Vence (1928-1935), dans l'école qu'il crée à
Vence
(1935), et enfin à
Cannes (1946) au sein de la Coopérative de
l'Enseignement Laïc (CEL), toujours dans le département des
Alpes-Maritimes.
Guy Avanzini indiquait en
1972 que « le pourcentage de praticiens Freinet n'avait probablement jamais
atteint 5 % »[1]. Henry
Peyronie ajoute en 1999 ; « Il nous semble qu'on pourrait estimer aujourd'hui
cette proportion à 1 ou 2 %. »[2]
Maria Montessori :
médecin, anthropologue et pédagogue a étudié pendant
50 ans des enfants de milieux sociaux et culturels très différents. Son
observation de l'être humain de la naissance à la maturité lui a permis
d'élaborer des principes philosophiques, psychologiques et pédagogiques.
Ceux-ci, ainsi qu'un matériel autodidactique complet, définissent la
pédagogie Montessori.
Pour Maria Montessori, il est primordial d'offrir à l'enfant la
possibilité d'épanouir au maximum ses différentes sensibilités :
·
dans un cadre adapté à ses besoins
psychologiques ;
·
en respectant son rythme propre et ses
particularités individuelles (ses périodes sensibles) ;
·
tout en l'éveillant à la vie sociale.
Les psychologues contemporains montrent le passage de l'enfant par
différents stades de développement psychologique. Ces stades sont les mêmes pour
tous et possèdent un ordre de succession invariable. Mais dans la psychologie
montessorienne, chaque enfant est unique. Il a sa personnalité propre, son
rythme de vie, ses qualités et ses difficultés éventuelles. Les enfants
traversent tous des
« périodes sensibles » :
·
Il s'agit de
sensibilités spéciales en voie d'évolution, des moments de la vie de l'enfant où
ce- lui-ci est tout entier « absorbé » par une sensibilité particulière à un
élément précis de l'ambiance.
·
Ce sont des
périodes passagères, transitoires ; elles se limitent à l'acquisition d'un
caractère déterminé ; une fois le caractère développé, la « sensibilité » cesse.
Il est donc primordial que l'ambiance (l'environnement) offre au bon moment à
l'enfant les moyens de se développer.
Selon Maria Montessori, « si l'enfant n'a pu obéir aux directives de sa
période sensible, l'occasion d'une conquête naturelle est perdue, perdue à
jamais ». Pendant ces périodes sensibles, l'enfant as- simile telle ou telle
acquisition. Si l'enfant est aidé à ce moment précis, l'apprentissage se fait en
profondeur. Mais si l'enfant ne trouve pas les éléments (dans l'ambiance et le
matériel) qui répon- dent à son besoin du moment, la sensibilité s'étiolera
progressivement.
Maria Montessori est convaincue que les forces du développement sont
incluses dans l'être vivant et que l'œuvre de l'éducation consiste à conserver
leur spontanéité, et à éloigner tout ce qui pourrait les affaiblir et les
empêcher de s'épanouir.
Il faut que l'enfant édifie lui-même sa personnalité et qu'il développe
ses facultés motrices et intellectuelles. C'est pourquoi l'éducateur doit avoir
une confiance complète dans les forces de l'enfant, respecter sa liberté
d'action et préparer l'ambiance nécessaire et favorable à son développement.
L'éducateur doit être capable d'observer les différences de rythme de
l'enfant, il doit bien connaître chaque enfant en faisant preuve d'attention et
de respect.
Créée dans un quartier pauvre de
Rome, cette pédagogie a su obtenir
l'enthousiasme de milliers d'enseignants de par le monde.
Cette méthode d'éducation, en pratique depuis le début des
années 1900, a permis l'éclosion de nombreuses
écoles maternelles puis primaires, et même pour
les jeunes jusqu'à 18 ans.
Lorsque Maria Montessori quitte l'Inde en
1952, cette méthode a le vent en poupe,
puisque Maria a formé des milliers d'enseignants à sa méthode.
Par contre, la situation est nettement moins rose en
Occident. Suite à la
Seconde Guerre mondiale, le nombre
d'écoles ouvertes est minime. À la fin des
années 1950, il ne reste plus que quelques écoles
ouvertes aux
États-Unis,
maintenues en activité par des disciples
de
John Dewey.
La méthode imprègne cependant doucement les esprits à travers plusieurs
initiatives locales (par
exemple sœur
Gisèle Pelvey
en France).
Les années qui suivront verront une expansion de sa pédagogie sur tous
les continents. En 2005, il y a environ 4 500 écoles de par le monde qui
enseignent selon cette approche pédagogique.
Letter from
Sigmund Freud to Maria Montessori, December 20, 1917
My dear Frau Montessori
Vienna, IX, Berggasse 19
December 20, 1917
It gave me great
pleasure to receive a letter from you. Since I have been preoccupied for years
with the study of the child's psyche, I am in deep sympathy with your
humanitarian and understanding endeavors, and my daughter, who is an analytical
pedagogue, considers herself one of your disciples.
I would be very
pleased to sign my name beside yours on the appeal for the foundation of a
little institute as planned by Frau Schaxel. The resistance my name may arouse
among the public will have to be conquered by the brilliance that radiates from
yours.
Yours very sincerely
Freud
(Notes to "Letter from Sigmund Freud to Maria
Montessori, December 20, 1917"
Pédagogie différenciée
Une des
premières expériences de pédagogie différenciée est celle du
Plan Dalton
élaborée vers
1910 par
Helen Parkhurst. Celle-ci, devant enseigner à une classe
de quarante enfants dont les âges variaient de 8 à 12 ans, mit en place un
système de fiches personnalisées permettant pour chacun un plan de travail
individuel.
La méthode de
Winnetka
perfectionne
en 1913 ce système en créant des fiches autocorrectives, et en accordant plus
d'importance au travail en groupe.
Ces méthodes arriveront en
Europe
via les publications du mouvement d'éducation nouvelle.
Robert
Dottrens s'en inspire
lors de la création de l'école du Mail
à
Genève.
À la même époque,
Célestin Freinet systématise l'utilisation de ces outils
d'individualisation, et met au point les fichiers Freinet utilisés encore
aujourd'hui dans les classes de l'ICEM. Il a utilisé no- tamment le journal de
l'école comme outil pédagogique.
L'auteur le plus
important est sans doute Louis Legrand, qui officialise l'expression et veut
mettre en place cette pédagogie dans les établissements scolaires. " L'idée
d'une nécessaire différenciation rationnelle de la pédagogie pour faire face à
la diversité des publics présents dans les classes hétérogènes est le produit
d'un conflit devenu insupportable entre cette diversité et l'unité réalisée des
programmes et des méthodes."[1
]En 1975, la
réforme Haby
introduit le collège unique en
supprimant les différentes filières (d'après le concept d'hétérogénéité, toutes
les classes se valent). La loi propose donc un remède au problème
d'hétérogénéité : la pédagogie différenciée.
Philippe Meirieu fait deux distinctions :
différenciation/individualisation et groupes de besoin/groupes de niveaux. Pour
lui, même si la
différenciation est un moyen de s'adapter aux spécificités
de chaque élève, la classe reste néanmoins un groupe au sein duquel chaque élève
évolue. Ain- si l'enseignement n'est pas individualisé. La pédagogie
différenciée permet alors de mettre en place des groupes de besoin. Ces groupes,
contrairement aux groupes de niveaux, sont malléables et ponctuels. En d'autres
termes, les groupes de besoin sont constitués en fonction des besoins des élèves
à un moment donné sur un problème donné. Ils ne constituent en aucun cas des
groupes à pérenniser dans l'année.
Courant des pédagogies institutionnelles
(Vasquez-Oury) (Labrot-Lourau)
La Pédagogie Institutionnelle
Enfin, le courant psychothérapeutique s'est développé sous le nom de
"pédagogie institutionnelle", essentiellement sous l'autorité intellectuelle de
Fernand Oury. Les instituteurs qui se sont reconnus dans cette mouvance sont, à
l'origine, des membres du "mouvement Freinet" qui souhaitaient intégrer l'apport
de Freud et qui se trouvaient confrontés avec les publics très difficiles
d'enfants de banlieues pour lesquels les méthodes Freinet traditionnelles,
prévues pour l'école rurale, s'avéraient insuffisantes. L'idée centrale de ce
courant est l'idée de "médiation": en mettant en place des institutions
médiatrices, comme l'imprimerie ou le conseil, le maître permet une régulation
relationnelle grâce à laquelle chacun peut trouver sa place et son équilibre.
Ainsi les élèves - et l'instituteur lui-même - ne sont plus des personnes
confondues avec une image sociale mais bien des responsables au sein d'une
institution collective qui leur permet de "se mettre en jeu" et de "parler
en tant que". Bien évidemment, le maître ne met pas en
place ici une démarche clinique comme la cure psychanalytique, mais, en adoptant
une démarche pédagogique cohérente, il produit des effets thérapeutiques.
Dérivée de la pédagogie de Freinet, fondée par Fernand Oury en 1963, par
dissidence, la pédagogie institutionnelle se veut politique et psychanalytique.
Voici comment la définissent Aïda VASQUEZ et Fernand OURY : La
Pédagogie Institutionnelle est un ensemble de techniques, d’organisations, de
méthodes de travail, d’institutions internes, nées de la praxis de classes
actives. Elle place enfant et adultes dans des situations nouvelles et variées
qui requièrent de chacun engagement personnel, initiative, action, continuité.
Ces situations souvent anxiogènes (...) débouchent naturellement sur des
conflits (...). De là cette nécessité d’utiliser, outre des outils matériels et
des techniques pédagogiques, des outils conceptuels et des institutions sociales
internes capables de résoudre ces conflits par la facilitation permanente des
échanges matériels, affectifs et verbaux.
La Pédagogie Institutionnelle peut se définir :
• d’un point de vue statique : comme la somme des moyens employés pour
assurer les activités et les
échanges de tous ordres, dans et hors de la classe ;
• d’un point de vue dynamique, comme un courant de transformation du
travail à l’intérieur de l’école.
Les changements techniques, les relations interindividuelles et de
groupes à des niveaux conscients et inconscients, la structuration du milieu,
créent des situations qui, grâce à des institutions variées et variables
favorisent la communication et les échanges.
Dans la classe (nous préférerions pouvoir écrire dans l’école) devenue
lieu d’activité et d’échanges, savoir parler, comprendre, décider, etc. savoir
lire, écrire, compter, deviennent des nécessités. Ce nouveau milieu favorise,
outre les apprentissages scolaires, l’évolution affective et le développement
intellectuel des enfants et des adultes.
(...) la caractéristique de la Pédagogie Institutionnelle : tendre à
remplacer l’action permanente et l’intervention du maître par un système
d’activités, de médiations diverses, d’institutions, qui assurent d’une façon
continue l’obligation et la réciprocité des échanges, dans et hors du groupe.”
Aïda VASQUEZ et Fernand OURY précisent dans leur deuxième livre :
“nous estimons que l’étude
du milieu éducatif comporte nécessairement trois
dimensions au moins :
• Matérialiste : le matériel, les techniques qui commandent les types
d’organisation déterminent les
activités, les
situations, les relations ;
• Sociologique : la classe, groupe et ensemble de groupes, fait partie
d’autres ensembles qui la
déterminent en partie
;
• Psychanalytique : reconnu ou nié, l’inconscient est dans la classe
et parle... Mieux vaut l’entendre
que le subir.
Jacques PAIN écrit : ―Ce sont aussi trois grands référents :
•
Célestin FREINET
• Sigmund
FREUD (et l’école freudienne de Paris)
• Kurt LEWIN.
La nomination de la P.I. est le fait de Jean OURY. (...) Il s’agit d’une
pédagogie “institutionnelle”, c’est-à-dire d’une pédagogie qui déchiffre à la
fois l’enseignement, mais aussi le “savoir”, comme un champ d’instances
concrètes, étroitement articulées par la règle de l’Échange, comme un lieu
structuré par “l’institution”. Et l’institution ne va pas sans
“l’institutionnalisation” quotidienne.”
Pour compléter cette présentation, citons Roger DELDIME et Richard
DEMOULIN : ” La Pédagogie Institutionnelle se caractérise par la médiation
qui peut-être un objet (outil ou but) ou une personne, ou une institution, mais
qui se révèle toujours être plus qu’un objet ou une personne. ”
Pour terminer, une précision : “Des auteurs, comme ARDOINO parlent de
Pédagogies Institutionnelles au pluriel, en raison des diverses orientations
fondamentales de celles-ci. Ainsi le psychiatre Jean OURY est d’orientation
psychanalytique, tandis que chez d’autres, les options sociopolitiques
dominent.”1
1) ECOLE ELEMENTAIRE, PROGRAMMES ET INSTRUCTIONS, (p. 14),
Ministère de l'Education Nationale., Paris, Ed. C.N.D.P. (1985) IMBERT F.,
“Pour une praxis pédagogique”, (p. 5), Nantes, Matrice, 1985
OURY F. et VASQUEZ A., Vers une pédagogie institutionnelle, (p.
245 et 248), Paris, Maspéro, 1967
OURY F. et VASQUEZ A., De la Classe Coopérative à la Pédagogie
Institutionnelle, (p. 689), Paris, Maspéro, 1974
PAIN J., Pédagogie institutionnelle et formation, (p. 22), Paris,
Micropolis, 1982
(NDLR : Jean OURY, médecin psychiatre et frère de Fernand OURY. S’est
intéressé aux Techniques Freinet à ce mouvement pédagogique dès 1949. A
travaillé avec Félix GUATTARI.)
Courant des méthodes de remédiations cognitives (entraînement mental,
PEI, ARL, Tanagra, gestion mentale)
Note de
lecture
Florian
Houssier, Anna Freud et son école, Campagne Première, 2010. 305
p., 24 €
Il faut reconnaître à Florian Houssier une belle persistance à explorer
les chemins frayés par les pionniers de « l’éducation spéciale », pour reprendre
un terme que l’on doit au médecin Itard. Psychanalyste et universitaire, il a su
mettre son talent et sa détermination à dégager le lien entre psychanalyse et
pédagogie. Ses travaux sur l’histoire de la psychanalyse des adolescents, dans
la foulée de François Marty, sont aujourd’hui incontournables.
Après avoir dégagé la haute figure d’instituteur et d’éducateur d’August
Aichhorn, il ouvre les
pistes qui conduisent à Anna Freud, dernière fille du
père de la psychanalyse, son « Antigone » dans ses vieux jours, comme il aimait
à la désigner. Grande dame de l’histoire de la psychanalyse, quoiqu’on en dise,
quelques critiques que l’on puisse formuler à son endroit, notamment sur son «
collage » au père. Anna Freud a commencé sa carrière comme pédagogue et sans
doute ne s’est jamais départie de cet intérêt pour la transmission vers les plus
jeunes. Un souci qu’elle partagea avec August Aichhorn. A ce sujet sont attendus
avec une certaine impatience la publication des échanges épistolaires – c’était
avant l’invention d’Internet et des SMS !- entre ces deux précurseurs, qui
percèrent, à leur façon, les voies de l’éducation nouvelle.
Anna Freud ne se contenta pas de réfléchir sur les principes d’une
pédagogie éclairée par la psychanalyse, elle se confronta à la pratique,
notamment en ouvrant à Vienne, sous le regard bienveillant de son père, une
école, sise dans le quartier de Hietzing. Cette école, véritable laboratoire
pédagogique et de psychanalyse appliquée, fonctionna entre 1927 et 1932, en
accueillant des enfants de 7 à15 ans. C’est une authentique « pédagogie du juste
milieu » qui se développe, entre le « scylla du laisser-faire et le Charybde de
l’autoritarisme », comme le précisera Freud bien plus tard dans ses Nouvelles
Conférences.
C’est l’histoire mouvementée de cette école singulière que Florian
Houssier décrit par le menu. Il en parcourt non seulement les linéaments
historiques, mais encore il sait nous faire partager la ré- flexion qui ne cessa
d’accompagner l’expérience. En cela l’école d’Anna Freud se révèle une source
inépuisable d’inventions. On ferait bien en ces années troublées où les
enseignants en tous genres ne savent plus à quels saints se vouer, où la
bataille des méthodes et des objectifs fait rage, de s’y plonger pour en tirer
des ressources à nouveau frais. Les pédagogues d’aujourd’hui y retrouveraient
ainsi ce qui fut en son temps le socle de tout processus d’apprentissage, à
savoir la psychopédagogie, discipline aujourd’hui malheureusement disparue de la
formation des maîtres. En effet comment s’engager dans une chaine de
transmission que constituent les apprentissages scolaires ou professionnels sans
se poser les questions concernant la psychogénèse de l’enfant et de
l’adolescent. La prise en compte de l’ « Inconscient dans la classe », pour
emprunter une belle expression à Francis Imbert, les points d’appuis de la
pulsion et de ses avatars chez le petit d’homme, la prise au sérieux du
transfert engagé dans la relation éducative, constituent autant de guides
théorico-pratiques, qui peuvent éclairer les pédagogues et les éducateurs sur
les modes de résistance à apprendre (et à enseigner !) mais aussi sur les
potentialités spécifiques au jeune âge. Le « roc de l’infantile » comme
le désigne l’auteur de cet ouvrage de référence,
constitue la pierre de touche de cette approche. C’est un concept que l’on voit
naître chez Freud en 1925, justement dans sa préface à l’ouvrage d’Aichhorn
Jeunes en souffrance (Champ Social, 2000) Après avoir posé les fondements de
la psychanalyse à partir des hystériques adultes, Freud remarque que grâce aux
travaux des éducateurs et enseignants, la psychanalyse s’intéresse désormais à
l’Enfant. Et là jaillît une énigme sous la plume de Freud. La psychanalyse va
prendre en compte une étrangeté, à savoir l’Enfant (Das Kind ) qui dure
chez chaque être humain tout au long de la vie, et fait quelques apparitions,
plus ou moins fra- cassantes, dans les rêves, les symptômes et la création
artistique. Dans une note de 1935 Freud ajoute que la psychanalyse, au regard de
ce « traitement de l’Enfant » (c’est moi qui rajoute) doit rester adossée à
l’éducatif, sans quoi elle serait réduite au médical. Cet, « Enfant » longue
durée, enfant de la jouissance, pour frayer avec un terme Lacanien, habité par
la pulsion de mort, est bien l’objet des soins des pédagogues et éducateurs
comme des thérapeutes. Le traitement de l’ « Enfant- Roi» constitue tout à long
de la vie, le fond d’un travail de civilisation, prônant une éducation
permanente au titre, comme le précise Freud en 1917 dans la première de ses
conférences, du « sacrifice de la pulsion ». La mise en œuvre de ces principes
par Anna Freud et ses collègues, notamment Dorothy Burlingham, Peter Blos et
Erik Erikson, à l’école de Hietzing, a permis de dégager un praticable
opératoire dans le champ éducatif. Dernier point, - tous seraient à reprendre et
explorer -, la référence à la psychanalyse dans le champ de l’éducation,
déployant une véritable clinique de l’acte éducatif et pédagogique, ne saurait
se concevoir sans de solides assises sur le plan institutionnel, mais aussi plus
largement politique. En cela on peut difficilement dire que l’époque où cette
expérience prit forme ait été tout à fait favorable à l’éclosion d’une véritable
école de liberté, dont Siegfried Bernfeld a pu représenter la figure de proue
lorsqu’il prônait une éducation inscrite dans la
lutte des classes comme fer de lance de la lutte
anticapitaliste. D’autre part la passion engagée par les protagonistes de cette
expérience n’a pas toujours laissé place à une réflexion apaisée sur le dis-
positif institutionnel. Du coup les inventions de l’Ecole de Hietzing sont un
peu passées à la trappe de l’histoire, recouvertes par la mousse des conflits de
personnes, qui continuent encore largement à agiter le microcosme des écoles et
associations de psychanalyse et desservent la prise en compte d’un héritage,
dont on ne comprend pas qu’il relève du caprice des uns et des autres. Gageons
que l’ouvrage de Florian Houssier fera naître un regain d’intérêt théorique et
pratique, autant dans le champ de la pédagogie que dans celui de l’éducation, y
compris spéciale. Souhaitons aussi que ces travaux réunissent les différents
courants psychanalytiques dans un souci partagé pour l’enfance et l’adolescence,
autour d’une disputatio de bon aloi.
Joseph
Rouzel, psychanalyste, directeur de l’institut Européen Psychanalyse et Travail
Social
(Montpellier)
DELDIME R., DEMOULIN R., Introduction à la psychopédagogie, 3ème
édition, (p.181), Bruxelles, De Boeck Université, 1994
DE LANDSHEERE V., L’éducation et la formation, (p. 156), Paris,
P.U.F, 1992
ARDOINO Jacques, Les pédagogies institutionnelles in MIALARET G. &
VIAL J., Histoire mondiale de l’éducation, (p. 129-150), Paris, P.U.F,
1981
Critique
constructive des différents grands courants pédagogiques.
ASPECTS POSITIFS DE LA PEDAGOGIE ASPECTS NEGATIFS DE LA PEDAGOGIE
A. L'enseignement frontal
- structuré
- rassurant, structurant surtout pour les adultes
- enseignants et parents
- l'enfant se situe par rapport à une norme, sait ce
qu'on attend de lui (avoir de beaux points)
- ne donne pas la parole aux enfants
- ne
respecte pas les rythmes d'apprentissage des enfants
- les plus
"intelligents" (???) réussissent
B. Pédagogie du projet
- les apprentissages sont fonctionnels (en rapport
avec la réalité quotidienne) et interdisciplinaires
- l'enfant est acteur de ses apprentissages
- les enfants et les adultes sont
enthousiastes
- l'esprit d'initiative, d'invention, de
création sont stimulés
- l'esprit critique est développé
- l'enfant qui
doit "approfondir" une matière n'en a pas l'occasion
- souvent ce
sont les plus "débrouillards" qui mènent le projet
- chaque
enfant est valorisé dans ce qu'il sait déjà faire
- dans
l'enthousiasme "on" doit donner la parole aux plus timides
C.
Tiers-temps pédagogique
- respect du
rythme biologique des enfants
- partage
équitable entre les différents aspects de l'éducation - cognitif, social et
affectif
- l'adulte
prend en charge l'organisation de la journée, de la semaine, de l'année en
respectant les choix effectués par les adultes
- est
malheureusement appliqué tout en conservant l'enseignement frontal
D.
Pédagogie Freinet
- gestion de
projets et de leur aboutissement
- leçons fonctionnelles "qui répondent à un besoin, à un intérêt"
- entraînement des connaissances par un contrat de travail
- groupes verticaux et horizontaux
- gestion du temps scolaire
Pédagogie
très attrayante et très complète avec tout de même, à mes yeux, un point négatif
: l'enfant est "obligé" de vivre la pédagogie par le fait de son inscription
dans l'école ou la classe la pratiquant, il est obligé de "passer un contrat
d'apprentissage"
E. Différenciation par fichiers progressifs
- l'enfant
apprend à son rythme
- il est
autonome face à la matière (distribuée)
et gère son temps et ses apprentissages
-
individualisation jusqu'à l'individualisme à l'encontre d'une vie sociale
Conclusion
Chaque courant pédagogique a ses points forts et ses faiblesses.
Appliquer l'un ou l'autre à l'extrême à tous les enfants peut nuire à l'objectif
généralement posé au départ : apprendre à apprendre à l'enfant, l'aider à
devenir un citoyen responsable capable de construire ses savoirs.
L'erreur, je crois, commune à chacune de ces
pédagogies est de ne pas donner assez ou du tout la parole aux enfants. On
confond trop souvent l'enfant avec ses productions, on le réduit à ses
résultats. Il devient un profil de notes couchées sur un cahier, un projet
évalué, un contrat rempli. On peut rêver …Ce
qu'il nous faut, à travers la pédagogie que l'on prône, c'est introduire le
relationnel. En tant qu'enseignant, accepter de dire à l'enfant :
"Voici le programme qu'il te faudrait connaître pour
aborder l'avenir de ta scolarité, de ta vie mais je te respecte dans tes
différences, je te fais confiance, je te sais capable de me dire ce dont tu as
besoin et la manière dont tu veux apprendre..."
Qu'est-ce que la classe participative ?
La classe participative est une classe où l'enfant a droit à la parole et
au choix des méthodes d'apprentissages qui lui sont le plus appropriées. C'est
une classe où il a la possibilité :
- de
réaliser des projets personnels, par groupe ou avec toute la classe
- d'individualiser ses périodes d'exercisation
- d'aménager
son horaire afin de réserver les heures où il est le plus attentif aux
apprentissages fondamentaux et le reste du temps aux apprentissages sportifs,
culturels et philosophiques
- d'avoir un lieu et un temps de parole où il peut
se dire
- de
planifier les activités/matière en fonction de ses lacunes, des dépassements
qu'il désire, des remédiations dont il a besoin
- de
participer à la mise en place des évaluations en élaborant collectivement des
synthèses de référence, établissant des critères d'évaluation...,
- d'évaluer l'activité vécue, critiquer les méthodes, dire en quoi telle
ou telle façon de procéder permet mieux ou moins bien de construire, faire un
bilan de ce qu'il a appris et proposer des démarches, des méthodes, des
prolongements....
- de
construire les activités en choisissant de mener à bien un projet, de réaliser
une fiche individuelle qui corresponde à ses besoins ou désirs, de demander à
l'adulte un travail ou des explications...
La classe participative c'est vivre la démocratie à l'échelle de l'école.
En effet, pour moi, la démocratie c'est permettre à chacun de se construire en
respectant ses rythmes, ses besoins, ses cheminements. Or seul chaque enfant est
à même de dire si la pédagogie proposée correspond à ses rythmes, besoins,
cheminements. Avoir le droit de se dire pour mieux apprendre à se connaître
et donc être responsable parce que conscient de ses engagements et de ses choix.
Pourquoi choisir de gérer la classe
participative ?
Avec un clin d'œil à un grand homme
français, j'ai envie de dire : "la curiosité et le dialogue sont les
deux mamelles d'un savoir à construire."
Le dialogue c'est parler, se structurer,
se construire dans une structure solide mais pas rigide puisqu'elle permet de se
dire, d'évoluer, d'expérimenter, d'argumenter, d'évaluer. La structure à comme
limites le respect des autres, des choses, des conventions établies
collectivement et d'une ambiance adéquate à l'activité mise en place.
La curiosité c'est l'envie de savoir, de
comprendre, de grandir...
Construire, c'est planifier les activités vécues en classe par une
négociation des enfants entre eux - où l'adulte est seulement le garant du droit
de chacun à la parole- , c'est vivre les activités choisies - où l'adulte est le
miroir des questions posées et le garant d'une ambiance d'écoute et de recherche
- , c'est faire le point des acquis - où l'adulte devient le secrétaire des
enfants...
En conclusion, dans une classe participative, les semaines sont
toujours trop courtes pour y insérer tout ce que les enfants sont curieux
d'apprendre. Les activités d'apprentissage proprement dites durent en moyenne
une demi-heure pendant laquelle nous arrivons à aborder la même quantité de
matière que lors de plusieurs séances d'apprentissage normales de 50 minutes.
Les enfants deviennent des personnes de relation, qui savent exprimer et
argumenter leurs choix, évaluer de façon critique ce qui les entoure et surtout
eux-mêmes. Ils sont sur le chemin de la citoyenneté responsable tout en
construisant leurs savoirs (ce qui reste le rôle premier de l'école
« Une violente répression d'instincts puissants exercée de l'extérieur
n'apporte jamais pour résultat l'extinction ou la domination de ceux-ci, mais
occasionne un refoulement qui installe la propension
à entrer ultérieurement, dans la névrose. La
psychanalyse a souvent eu l'occasion d'apprendre à quel point la sévérité
indubitablement sans discernement de l'éducation participe à la production de la
maladie nerveuse, ou au prix de quel préjudice de la capacité d'agir et de la
capacité de jouir la normalité exigée est acquise. Elle peut aussi enseigner
quelle précieuse contribution à la formation du caractère fournissent ces
instincts asociaux et pervers de l'enfant, s'ils ne sont pas soumis au
refoulement, mais sont écartés par le processus dénommé sublimation de leurs
buts primitifs vers des buts plus précieux. Nos meilleures vertus sont nées
comme formations réactionnelles et sublimations sur l'humus de nos plus
mauvaises dispositions. L'éducation devrait se garder soigneusement de combler
ces sources de forces fécondes et se borner à favoriser les processus par
lesquels ces énergies sont conduites vers le bon chemin. » FREUD
Freud aborde un sujet épineux, nous touchant d'autant plus que nous
sommes appelés à devenir nous-mêmes parents : le rôle de l'éducation sur
l'avenir des enfants.
L'éducation, mal pratiquée, ne serait-elle pas un
facteur de névrose ?
Pour Freud, il est certain que l’éducation que nous avons reçue est à la
base de nos comportements. Or il est convaincu, à la lumière de sa pratique
psychanalytique, qu'une éducation trop rigide participe à l'apparition de
maladies nerveuses alors qu’une éducation qui orienterait nos pulsions dans un
bon sens aurait l’avantage d’être épanouissante.
Pour nous faire partager
son point de vue, il part de son hypothèse de travail relative à l’existence de
forces psychiques qui inhibent notre conduite à notre insu, en s’appuyant sur le
concept de refoulement. Il peut alors, dans un second temps, tirer
l’enseignement qu’autorise ses observations cliniques, si déroutantes
soient-elles, sur les effets malencontreux d’une éducation répressive, avant de
proposer, finalement, un modèle d'éducation qui, sans être pathogène, soit
authentiquement formateur.
Conclusion
Freud parle en définitive plus d’éducation que de pédagogie : c’est le
premier terme qui revient dans les textes, le second n'étant qu’épisodique. Et
ce sont des enseignants qui, dans le cadre du mouvement de pédagogie
psychanalytique, ont interprété Freud dans la perspective d’une problématique
strictement pédagogique, c’est-à-dire de technique de transmission des
connaissances. Il n’est pas certain qu’on puisse
identifier sans précautions une problématique d’éducation et une problématique
de pédagogie.