Paul Pettinger

 

 

              Psychanalyse et pédagogie ou l’impossible à deux

 

 

Voici quelques pages de documents reprenant certains propos émis ou soi-disant émis par Freud sur la relation entre pédagogie et psychanalyse. Je leur ai ajouté des contenus provenant d’autres penseurs et ceci pour offrir, un plus grand champ d’analyse tout en essayant de préserver de la cohérence au texte. Il me semble que par la diversité des définitions et des opinions ou idées exprimées, les extraits et citations montrent bien les rapports étroits et les interactions possibles entre ces deux domaines tout en en montrant et précisant les limites. A la lecture, on peut constater une certaine confusion entre les termes de pédagogie et d’éducation, ce qui à la longue engendre un sentiment d’inconfort tant cette imprécision conceptuelle ouvre le champ à des réflexions éparses. Ce mélange complique à mon avis la possible ou souhaitable cohabitation entre psychanalyser et enseigner; ces deux métiers que Freud dit impossibles. Ces réflexions venues de philosophes, sociologues et autres psychanalystes ou enseignants me paraissent donner des pistes intéressantes de réflexion sur cette problématique de la conjugaison éventuelle de ces deux domaines des sciences humaines.

 

« Il y a trois tâches impossibles : éduquer, gouverner, et psychanalyser »

Sigmund Freud

 

« Cet "impossible" est un impossible à dire, un indicible, vieux comme la philosophie- voyez Platon et le mythe de la caverne- nullement une invention des psychanalystes : c’est le réel. Ici, dans votre métier comme dans le mien, le réel de ce que sont ces enfants que vous avez la charge d’instruire, et que vous vous efforcez de connaître, pour mieux savoir comment vous y prendre avec celui-ci, ou celui-là. Le réel aussi de ce que vous êtes, de ce qui vous anime et vous fait choisir telle ou telle manière de vous y prendre, à l’insu de ce que vous croyez-et vous fait donc parfois vous tromper. »

 

L’allégorie de la caverne : Elle expose en termes imagés la pénible accession des hommes à la connaissance de la réalité, ainsi que la non moins difficile transmission de cette connaissance.

 

« L’éducateur ne pourra guère apprendre de la psychanalyse que l’art de naviguer entre le Scylla du laisser-faire et le Charybde de l’interdiction »

Sigmund Freud

 

 

 

« Je passe sous silence le fait qu’on récuserait l’influence de la psychanalyse sur l’éducation, si elle tendait à des fins contraires à l’ordre établi. L’éducation psychanalytique assumerait une responsabilité qui ne lui incombe pas, en tendant à faire de ceux qui la reçoivent des révolutionnaires »

Sigmund Freud (sixième conférence)

 

 

 

« De toutes les utilisations de la psychanalyse, aucune n’a rencontré autant d’intérêt, éveillé autant d’espoir, que son application à la théorie et à la pratique de l’éducation des enfants »

Sigmund Freud (sixième conférence)

 

 

 

 

 

« L’important intérêt de la psychanalyse pour la science de l’éducation se fonde sur un énoncé qui est parvenu à l’évidence. Ne peut être un éducateur que celui qui peut sentir de l’intérieur la vie psychique infantile, et nous adultes ne comprenons pas les enfants, parce que nous ne comprenons plus notre propre enfance. »

Sigmund Freud

 

 

 

« Tout d’abord, considérons que le but principal de toute éducation est d’apprendre à l’enfant à maîtriser ses pulsions : impossible en effet de lui laisser une liberté totale, de l’autoriser à obéir sans contrainte à toutes ses impulsions. Cela pourrait, certes, fournir aux psychologues de l’enfance une expérience très instructive, mais la vie des parents deviendrait impossible et le tort soit immédiat, soit à venir, causé aux enfants serait considérable. L’éducation doit donc inhiber, interdire, réprimer et c’est ce que à quoi elle s’est de tout temps appliquée. »

Freud, Nouvelles conférences sur la psychanalyse, op.cit., p. 196 (tr.mod)

 

 

 

« Une violente répression d'instincts puissants exercée de l'extérieur n'apporte jamais pour résultat l'extinction ou la domination de ceux-ci, mais occasionne un refoulement qui installe la propension à entrer ultérieurement dans la névrose. La psychanalyse a souvent eu l'occasion d'apprendre à quel point la sévérité indubitablement sans discernement de l'éducation participe à la production de la maladie nerveuse, ou au prix de quel préjudice de la capacité d'agir et de la capacité de jouir la normalité exigée est acquise. Elle peut aussi enseigner quelle précieuse contribution à la formation du caractère fournissent ces instincts asociaux et pervers de l'enfant, s'ils ne sont pas soumis au refoulement, mais sont écartés par le processus dénommé sublimation de leurs buts primitifs vers des buts plus précieux. Nos meilleures vertus sont nées comme formations réactionnelles et sublimations sur l'humus de nos plus mauvaises dispositions. L'éducation devrait se garder soigneusement de combler ces sources de forces fécondes et se borner à favoriser les processus par lesquels ces énergies sont conduites vers le bon chemin. »

Sigmund Freud

 

 

 

 

Quelques définitions de la pédagogie

 

 

Pédagogie et éducation

 

On confond parfois pédagogie et éducation: le pédagogue, c'est d'abord l'enseignant, le professionnel. Les spécialistes distinguent cependant l'éducation, qui est du côté de l'action, de la pédagogie, réflexion d'ordre philosophique aussi bien que technique, destinée à orienter l'intervention de l'éducateur.

Le terme de « pédagogie » dérive du grec et veut dire : conduire, mener, accompagner, élever l’enfant

  Alain «L’enseignement doit être résolument retardataire. Non pas rétrograde, tout au contraire. C’est pour marcher dans le sens direct qu’il prend du recul ; car, si l’on ne se   place point dans le moment   dépassé, comment le dépasser ? »

 

  Emile Durkheim : la pédagogie est une ‘’réflexion appliquée aussi méthodiquement que possible aux choses de l’éducation’’ Paris, PUF, 1938

 

Françoise Clerc : la pédagogie est "l’ensemble des savoirs scientifiques et pratiques, des compétences relationnelles et sociales qui sont mobilisées pour concevoir et mettre en œuvre des stratégies d’enseignement"

 

Franc Morandi : la pédagogie est "étude et mise en œuvre des conditions d’apprendre"

 

Merleau-Ponty : « La pédagogie sera donc la description de l’image que l’adulte se fait de l’enfant »

 

 

La pédagogie est le métier qui donne l'éducation.

 

A l'opposé, l'éducation est ce qui vient des cours dispensés par un pédagogue.

Les enseignants, au sens large du terme sont des pédagogues, leurs élèves ou stagiaires en retirent l'éducation.

 

Éducation : action d'élever, de former un enfant, un jeune homme.

 

Instruction : L'instruction d'une chose, l'action d'enseigner cette chose.

 

Pédagogie : Ensemble des méthodes dont l'objet est d'assurer l'adaptation réciproque d'un contenu de formation et des individus à former.

 

Étymologiquement parlant l'éducation est plutôt à réserver au cercle familial, l'instruction concerne la formation.

Par exemple : apprendre à un enfant que mettre ses doigts dans son nez c'est pas top, c'est de l'éducation, lui apprendre que 1+1=2 c'est de l’instruction.

 

 

La pédagogie est l'outil dont on a besoin pour instruire ou éduquer.

Par exemple on peut foutre une grosse tarte dans la gueule du môme qui n'as pas appris ses tables d'addition, ou lui expliquer le fond logique du calcul avec 2 allumettes que l'on met ensemble...Le mot pédagogie est neutre, la pédagogie peut- être bonne ou mauvaise..

L'éducation est l'apprentissage de toutes les règles qui gèrent une vie dans la société, par ex. le savoir vivre, le respect d'autrui, le comportement personnel...rôle en principe enseigné par les parents!!! Tandis que la pédagogie est l'apprentissage des savoirs, c'est à dire les études, rôle d'enseignement transmis par les enseignants----dans de nombreux cas, les enseignants jouent les 2 rôles pour combler les lacunes parentales.

  La pédagogie en perte de vitesse

Malgré la richesse de ces expériences, la pédagogie semble actuellement en perte de vitesse. Elle a vu son domaine propre se restreindre au profit des sciences de l'éducation, enseignées à l'Université depuis 67. Depuis le début des années 1980, la réflexion pédagogique semble largement supplantée par les didactiques des différentes disciplines. Ces recherches, d'orientation cognitiviste pour la plupart, donnent beaucoup plus d'importance à l'efficacité des apprentissages qu'à la vie affective de l'enfant. Les idées de l'Education nouvelle n'ont pas réussi à se concrétiser à grande échelle dans l'institution scolaire. Des mouvements pédagogiques (Centres d'entraînement aux méthodes d'éducation active, Groupe français d'éducation nouvelle, équipes Freinet) continuent cependant à les diffuser.

 

 

 

Quelques définitions de la psychanalyse

 

Une définition encyclopédique

Psychanalyse:

 

1. Nom donné par Freud à une technique d'investigation psychologique destinée à rendre compte de l'inconscient et de ses effets, fondée sur la libre association des idées du sujet.

 

2. Pratique thérapeutique fondée sur cette investigation.

 

3. Théorie ou ensemble de théories rendant compte du fonctionnement normal ou pathologique de la vie psychique et reposant sur l'interprétation des données de la cure psychanalytique.

 

4. Utilisation faite de la théorie psychanalytique pour étudier un thème, une question, pour expliquer ou interpréter un texte, une oeuvre, etc." (Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2000)

 

Et, un peu plus approfondie, selon la même source, cette définition qui laisse entrevoir à la fois la marque de l'évolution inhérente au vivant à travers le temps et la complexité de tout problème du vivant:

« La définition de cette discipline, fondée à partir de 1885 par le médecin viennois Sigmund Freud, implique la distinction que l'on peut faire avec lui de trois niveaux: la psychanalyse est d'abord une méthode d'investigation qui consiste essentiellement dans la mise en évidence de la signification inconsciente des paroles, des actions, des productions imaginaires (tels les rêves, les fantasmes, les délires) d'un sujet. Cette méthode se fonde principalement sur les libres associations du sujet, qui sont le garant de la validité de l'interprétation.

C'est ensuite une méthode psychothérapique fondée sur cette investigation, et rendue spécifique par l'interprétation contrôlée de la résistance, du transfert et du désir. En ce sens, le mot «psychanalyse» est synonyme de «cure psychanalytique.

C'est enfin un ensemble de thèmes psychologiques et psychopathologiques où sont systématisées les données apportées par la méthode psychanalytique d'investigation et de traitement. »

 

Freud a donné plusieurs définitions de la psychanalyse, dont une est particulièrement explicite:

 

«Psychanalyse est le nom: d'un procédé pour l'investigation des processus mentaux à peu près inaccessibles autrement; d'une méthode fondée sur cette investigation par le traitement de désordres névrotiques; d'une série de conceptions psychologiques acquises par ce moyen et qui s'accroissent ensemble pour former progressivement une nouvelle discipline scientifique.» ( article paru dans l'Encyclopédie en 1922).

 

La psychanalyse est en perte de vitesse. Discutée en tant que théorie scientifique, contestée comme thérapie, l'ex-rebelle qui libérait la parole des névrosés est à son tour une forteresse assiégée. Peut- elle encore tirer son épingle du jeu ?

 

La psychanalyse apparaît de plus en plus comme un système de croyances pseudo-scientifiques, une sorte de religion avec un clergé enfermé dans sa tour d’ivoire.

 

A ce titre, les conclusions du rapport de l’association psychanalytique internationale publié en 2002, dont l’auteur principal est le psychanalyste P. Fonagy, sont révélatrices: « Il n’y a pas d’étude qui permette de conclure sans équivoque que la psychanalyse soit efficace par rapport à un placebo actif ou une autre forme de traitement. Il n’y a pas de méthodes disponibles qui pourraient d’une manière incontestable indiquer l’existence d’un processus psychanalytique. La plupart des études ont des limitations majeures qui pourraient conduire ceux qui critiquent la discipline à ne pas prendre en compte les résultats. D’autres études ont des limitations si graves que même un évaluateur qui a de la sympathie pour la psychanalyse pourrait être enclin à ne pas tenir compte de leurs résultats. En tant que psychanalystes, nous savons tous que la psychanalyse marche. Notre propre expérience de l'analyse est probablement suffisante dans la plupart des cas à nous persuader de son efficacité. »

D'après Edward Shorter (2007, p.154), "(...) aux Etats-Unis, la partie est finie. Dans le champ de la psychiatrie, la psychanalyse est tout simplement morte." Il poursuit plus loin: "Dans des revues telles que le célèbre Journal américain de psychiatrie, une petite section de critiques littéraires est réservée aux analystes, mais ils ont de plus en plus l'air d'astrologues essayant de sauver leur peau dans le contexte d'un avènement de l'astronomie. (p.157)" in. Splendeur et décadence de la psychanalyse, Le livre noir de la psychanalyse, Editions des Arènes, pp.147-160.

 

 

 

 

 

La psychanalyse s’ouvre au champ de l’éducation…………. Reich va trop loin pour Freud

 

 

De toutes les sciences de l’homme, la pédagogie est sans doute celle qui a été le plus précocement touchée par la psychanalyse, et peut être aussi celle qui l’a le plus influencée en retour. Ce n’est pas Freud qui le premier a soulevé l’intérêt de cette rencontre, mais son disciple alors préféré : Sandor Ferenczi. Dans une conférence prononcée en 1908 à Salzbourg et intitulée Psychanalyse et pédagogie, le psychanalyste hongrois remet violemment en question l’éducation de son temps. La pédagogie, basée sur le refoulement des émotions et la répression de la sexualité, se révèle un « véritable bouillon de culture des névroses ». Il ne voit pas d’autre remède à ce désastre, à cette maladie sociale que « l’exploration de la personnalité véritable et complète de l’individu, en particulier du laboratoire de la vie psychique inconsciente, qui n’est plus tout à fait inaccessible aujourd’hui » (Ferenczi, 1908, p.56). Ceci est l’aspect curatif du problème, mais Ferenczi envisage aussi le côté préventif. Il passe par une nouvelle pratique, fondée sur la compréhension profonde du psychisme enfantin, et non sur des dogmes, ou des principes.

Ce texte de 1908 est fondateur. Ferenczi y affirme la fonction prophylactique d’une éducation psychanalytique, et les immenses bienfaits qui en découleraient pour la société. Il inaugure ainsi une histoire centenaire, faite de relations passionnées et souvent conflictuelles entre les deux disciplines. Elle se traduit d’abord par des déclarations d’intentions, et, après la première guerre mondiale, s’incarne dans des pratiques et des institutions. Ce mouvement, dit de pédagogie psychanalytique, va être très vivace en Suisse, en Autriche et en Allemagne, presque inexistant en France. Il ne s’appuie pas seulement sur la doctrine de Freud, mais aussi sur celles de Jung et d’Adler, faisant fi des querelles et des scissions. Placé sous le signe d’un optimisme conquérant, il rencontre vite des limites, et, dès la fin des années 1930, vient le temps des doutes et des inquiétudes. L’après- deuxième guerre mondiale voit à l’œuvre une dynamique nouvelle à laquelle la France prend une part active. Les centres d’intérêts se déplacent de l’enfant à l’adolescent et au groupe familial. La fin des années 1960 et la décennie suivante en marquent l’apogée, sur fond de contestation des valeurs bourgeoises, et d’extension du domaine de la vulgate psychanalytique.

Si c’est Ferenczi qui a ouvert le débat, un an plus tard, c’est un pasteur protestant de Zürich, proche de Jung, qui donne à Freud l’occasion de soutenir le projet d’une première application de la psychanalyse à l’éducation. Il se nomme Oskar Pfister. C’est probablement sur les conseils de Jung qu’il adresse, en 1909, ses premiers travaux au maître viennois. Ainsi commence une correspondance - et une amitié - qui va durer trente ans, jusqu’à la mort de Freud. Pfister va devenir le plus zélé propagandiste de la doctrine freudienne dans l’univers pastoral et pédagogique. Des deux textes qu’il envoie à Freud, l’un porte sur « Idées délirantes de suicide chez les écoliers », et l’autre sur « Soin psychanalytique des âmes et pédagogie morale ». Freud les reçoit avec enthousiasme : « Je dois vous exprimer ma satisfaction de constater que nos recherches psychiatriques ont trouvé accueil chez un pasteur ayant librement accès auprès de tant d’âmes jeunes et intactes » (Freud, 1909, p.46). Le pasteur en question n’a pas fait d’analyse, mais il a dévoré les écrits freudiens, et entrepris immédiatement d’appliquer leurs principes dans sa pratique pastorale. On peut s’étonner qu’un Freud, juif matérialiste et athée, soutienne une telle démarche. En fait, il a plusieurs raisons de le faire. Tout d’abord, il cherche à renforcer son alliance avec le groupe zurichois acquis à sa cause, Jung, mais aussi le psychiatre Eugen Bleuler, au Burghölzli, et Alphonse Maeder.

 En second lieu, l’application de la psychanalyse que propose Pfister lui paraît pouvoir légitimement échapper au contrôle médical, et ainsi conforter la pratique de l’analyse profane que, bien que médecin lui- même, il défend. Enfin, on peut lui faire crédit d’un sincère intérêt pour la chose éducative ; si l’énigme de la névrose l’a conduit à se pencher sur l’enfance, il est heureux de pouvoir de confronter avec ceux qui travaillent auprès d’enfants réels et normaux. Et puis, il va se prendre d’affection pour celui qu’il nomme avec humour son « Saint Homme ». Lors de la rupture entre Freud et Jung, Pfister, déchiré, choisira de rester fidèle à Freud, à l’inverse de la plupart de ses compatriotes, et Freud lui en saura toujours gré. Pour l’heure, il donne une préface extrêmement chaleureuse au manuel sur La méthode psychanalytique que publie Pfister en 1913 à l’usage des éducateurs et des pasteurs. Dans cette préface, Freud affirme que l’éducation a pour tâche de veiller à ce que rien de nuisible n’arrive pour l’individu ou pour la société, et qu’elle est « une prophylaxie qui doit prévenir les deux issues de la névrose et de la perversion ». À ce moment de sa vie, il est raisonnablement optimiste quant aux espoirs que fait naître le projet de Pfister, mais aussi réservé ; en 1912, dans Conseils aux médecins sur le traitement psychanalytique, il met en garde : « l’orgueil éducatif est aussi peu souhaitable que l’orgueil thérapeutique » (Freud, 2). Néanmoins, lorsque la revue Scientia, revue internationale des sciences de l’homme, lui demande de présenter L’intérêt de la psychanalyse1, il n’hésite pas à mettre en avant, sur plusieurs pages, son intérêt pédagogique. « Ne peut être éducateur, dit-il, que celui qui peut sentir de l’intérieur la vie psychique infantile », ce qui relève à la fois d’une formation et d’une disposition profonde. Il faut aussi noter que Freud n’oppose nullement éducation et thérapie, pour lui, elles sont complémentaires. Une éducation bien conduite doit empêcher l’éclosion des névroses, alors que la thérapie doit corriger une évolution morbide. Elle est donc une rééducation ou une post-éducation. Mais il laisse alors ouverte la question de savoir si une même personne peut conduire les deux démarches.

Lors de cette période qui précède immédiatement la grande guerre, il y a donc quelques péda- gogues, comme Pfister, qui tentent d’appliquer les idées freudiennes sans chercher à les édulcorer. Ce n’est pas le cas, loin s’en faut, de la majorité. L’enfant de Freud, ce petit pervers polymorphe, inquiète ou révulse, et l’insistance mise sur l’éducation sexuelle n’est pas faite pour rassurer non plus. Le discours dominant conteste la tendance monomaniaque de Freud à tout expliquer par la sexualité, et son insistance à plaquer le modèle de la pathologie sur toute la vie psychique. Les deux principaux disciples qui ont rompu avec l’orthodoxie freudienne, Alfred Adler (en 1912) et Carl Gustav Jung (en 1913) semblent finalement beaucoup plus fréquentables, car tous deux minimisent le rôle de la sexualité. Adler, bien plus que Freud, insiste sur le versant social de l’éducation, sur l’insertion du petit enfant dans la communauté des hommes ; pour lui, l’amour est le levier principal de l’éducation (ce dont Freud n’est pas persuadé), et le sentiment d’infériorité la source principale de la névrose. Adler est socialiste, il promeut une pédagogie communautaire car il cherche à construire un monde nouveau grâce à l’éducation. Juste avant la première guerre mondiale, il a créé à Vienne (Vienne La Rouge !) des centres de consultation et de guidance éducative dans les écoles, ainsi que des jardins d’enfants, qui obtiennent un vif succès. Jeanne Moll (Moll, 1989, p.87) émet l’hypothèse qu’Adler va servir de relais, de médiateur pour des pédagogues qu’effraie la psychanalyse, et qui trouvent chez lui des motifs de croire en leur métier, grâce à l’optimiste qui caractérise sa psychologie individuelle.

Quant à Jung, en délivrant la libido de sa charge érotique, il rassure également, et surtout, il insiste sur la dimension spirituelle de l’acte éducatif, ce dont ni Freud ni Adler n’ont cure. Dans Psychologie et éducation2, Jung se montre très culpabilisant à l’égard des parents : la névrose enfantine, c’est toujours de la faute des parents. Il importe donc d’éduquer les éducateurs, sans grand espoir de changements, d’ailleurs. Concernant l’information sexuelle, il précise qu’il n’est pas partisan qu’elle se fasse à l’école, et surtout qu’il rejette tout système mécanique et uniforme en cette manière. À chaque enfant doit correspondre un type de réponse et d’éclaircissement particulier, au moment où il le sollicite. Cette question divise d’ailleurs les premiers psychanalystes entre eux, tout comme elle divise les pédagogues. Elle fait l’objet de plusieurs débats contradictoires à la société psychanalytique de Vienne (Nunberg, Federn, 1978) dès avant 1910. Adler et Wilhem Stekel pensent qu’il ne faut pas informer l’enfant avant qu’il en éprouve le besoin, car sinon, on tue le besoin de savoir et de percer des secrets. Le zèle intempestif de certains parents se révèle d’ailleurs souvent inutile, puisque l’enfant s’empresse d’oublier et de revenir à ses propres théories, si fantaisistes soient-elles. Pour Stekel, tout compte fait, la meilleure éducation est celle qui a eu cours jusqu’à maintenant : celle dispensée par les domestiques ou les camarades d’école.

  L’essentiel, c’est que les enfants ne restent pas fixés à leurs parents dans leur sexualité. Par contre, il est en désaccord avec Adler lorsqu’il dit qu’il faut éduquer l’enfant par l’amour, ce qui revient pour lui à « lui    arracher, par l’amour, un morceau de sa personnalité », et il pense qu’une telle attitude peut devenir très no- cive (ibid. p.352). Isidore Sadger émet l’idée qu’on ne peut pas élever les enfants de manière cons- ciente et théorique, et que les meilleurs pédagogues sont des pédagogues-nés. Freud est finalement assez d’accord avec ce propos de bon sens. Il rappelle qu’il a, autant que possible, évité de tirer des conclusions, a fortiori de donner des prescriptions pour l’éducation, à partir des connaissances de la psychanalyse. Contrairement à ses collègues, il se prononce pour une éducation sexuelle faite à l’école. Il lui semble que les parents ne peuvent pas, et surtout que les enfants ne veulent pas être éclairés par leurs parents. « Donner à l’enfant une orientation dans la vie est un des devoirs de l’école, et les problèmes sexuels sont une partie importante de cette orientation » (ibid. p.257). Naturellement ce savoir ne doit pas être déversé sur l’enfant « comme une douche », ce qui suppose une préparation spéciale des maîtres. Il est intéressant de noter que, sur une telle question, les positions prises semblent bien plus déterminées par les systèmes de croyances et de valeurs des protagonistes que par leur adhésion à la psychanalyse.

 

Le cas Reich

 

Dès 1908, Ferenczi avait réclamé une réforme radicale de l’éducation et de la pédagogie, avec des consonances vaguement anarchistes, au grand dam de Freud. Mais Ferenczi avait prophétisé encore plus tard, alors qu'il faisait partie du cercle des plus proches de Freud, qu'une telle réforme éclairée par la psychanalyse conduirait vers "une remise d’ordre [de la société]... qui ne tient pas seulement compte des intérêts de certains puissants." Chaque limitation de l'individualité, l'"Etat", devrait tout au plus "être l'un des moyens pour le bien-être de l'individu." (p.215). Pourquoi Freud toléra-t-il de tels points de vue de la part de ses disciples à ce moment- là (et plus tard) alors qu'il ne supportait pas la position de Reich ?

La raison centrale semble se trouver dans la façon dont Reich conceptualisait la prophylaxie des névroses, par des réformes de l'éducation, et l'avènement de l'homme nouveau et capable d'assumer la liberté. Ferenczi avait écrit que la future "pédagogie instruite par la psychanalyse" opérerait avec des moyens fort divers, en tout cas "guiderait la formation des caractères dans des voies appropriées... en usant de diplomatie intelligente." Ce projet d'une mise en place de règles et de buts de l'éducation meilleurs, plus humains, plus effectifs, en tout cas plus positifs et dirigés vers un idéal social, correspondait aussi aux conceptions de beaucoup d'autres psychanalystes. Dans la terminologie nouvelle de Freud, introduite en 1923, cela pourrait se formuler ainsi : l'introjection amenée avec ménagement (grâce aux découvertes de la psychanalyse) d'un Sur-Moi conçu comme idéal. Ce Sur-Moi, qui agit au sein de l'individu en tant que siège du ressenti des valeurs, de la morale, de la conscience etc., ne devrait ni être trop faible -- afin qu'il puisse imposer le comportement souhaité -- et ni trop fort -- afin de ne pas aboutir à des baisses de rendement, maladie ou des troubles sociaux.

Reich s'opposa à ce concept dans un de ses textes, »Der Erziehungszwang und seine Ursachen« (1926, cf. Laska, p.142). Il y souligna le potentiel d'action de motivations inconscientes des éducateurs (névrosés), parlait de "l'éducation en tant qu'équivalent de la névrose des adultes" et énuméra une série d'arguments psychanalytiques qui montraient pourquoi l'éducation active conduisait à la névrotisation des adolescents, même avec les meilleures intentions. C'est pourquoi Reich ne donna qu'une "règle négative : tempérance de l'éducation jusqu'à l'extrême, limitation des mesures éducatives aux dénis auxquels on ne peut pas renoncer.

Autrement formulé, pour Reich il s'agissait de montrer qu'il faudrait empêcher la formation d'un Sur-Moi dans le sens freudien du terme. Car cette instance psychique en tant que telle est l'incarnation de l'hétéronomie -- même si elle contenait les normes les plus "justes", voire antiautoritaires.

La contre-productivité de la conduite du comportement par un Sur-Moi, attestée par une pratique humaine plusieurs fois millénaire et mise en lumière par la recherche psychanalytique conséquente, est cependant essentielle : "La 'morale' crée justement ces pulsions qu'elle se targue être autorisée à maîtriser, dans l'intérêt des bonnes mœurs. Et l'abolition de cette morale est la condition première de l'abolition de l'immoralité qu'elle s'efforce tant et vainement à supprimer." ( cité d'après Laska, p.78) Le programme de Reich pour la réalisation de l'humain nouveau, apte à la liberté, s'autodéterminant et vraiment autonome est, selon la terminologie freudienne : réduction et finalement élimination du Sur-Moi.

 

L’école de la Troisième République : L’éducation supplante l’instruction

 

 

Jules Ferry fait voter les lois qui organisent l’école et la rend gratuite (1881) obligatoire et laique

(1882). On construit des écoles communales.

Dans l’idéal condorcétien d’instruction publique, l’école devait, afin que les enfants puissent se déprendre de leurs déterminismes et de leurs préjugés, reposer sur une triple séparation : celle d’avec la religion, celle d’avec le pouvoir politique et celle, temporaire, d’avec la société, condition sine qua non de l’émancipation intellectuelle et morale de l’élève – qui demande qu’on l’élève, comme le rappelle judicieusement Alain. Par parenthèse, il y aurait toute une réflexion à mener sur le parallélisme à établir entre franc-maçonnerie et école républicaine, l’une comme l’autre ne pouvant plus prétendre à un humanisme émancipateur dès lors qu’elles ne sont plus séparées de la société, qu’on n’en laisse plus le bruit et la fureur sur le parvis... Ainsi, désormais ouverte, assujettie même à la société, l’école ne peut plus que socialiser, adapter l’élève à la société telle qu’elle est, plutôt que de lui donner les outils pour la déchiffrer et la transformer – en ce sens Condorcet est révolutionnaire quand le projet des pédagogues modernes, qui taxent l’école républicaine d’archaïsme, est d’essence conservatrice !

 

En voulant combiner instruction publique émancipatrice et universaliste, et éducation nationale intégratrice et patriotique, l’école de la Troisième République offre le modèle d’une éducation libérale nationale et morale. Éducation car elle dépasse l’instruction en ce qu’elle entend former l’homme tout entier ; éducation libérale car a-dogmatique et séparée autant que possible des pouvoirs politique et religieux : elle tend à l’autonomie ; éducation nationale car l’école forme des citoyens critiques et patriotes ; éducation morale car elle doit donner foi au devoir. L’école de la Troisième République n’est donc pas tout à fait celle de Condorcet puisqu’elle a cherché à combiner plusieurs héritages. On peut raisonnablement penser, toutefois, qu’elle a servi l’idéal républicain malgré toutes ses imperfections dénoncées avec une vigueur constante par ses architectes mêmes – en ce sens républicains authentiques.

 

 

Henri Wallon fait entrer Freud dans l’école de la Troisième République

 

 

Entré à l'École normale en 1899, il s'oriente vers la psychologie où il devient l'élève de Georges Dumas. C'est après ce parcours qu'il entreprend des études de médecine qu'il clôt en 1908 avec une thèse sur Le délire de persécution. Il est mobilisé comme médecin entre 1914 et 1918 et s'intéresse à la neurologie. Il termine sa thèse de doctorat ès lettres sur l'enfant turbulent en 1925. Il débute sa carrière universitaire en psychologie et des consultations dans un centre médico-psychologique. En 1920, il est chargé de cours à la Sorbonne, puis devient directeur d'études à l'École pratique des hautes études(1927) et crée le laboratoire de psychobiologie de l'enfant. Parmi nombre de fonctions universitaires, il est encore possible de citer sa nomination au Collège de France. De plus, il s'occupe des enfants atteints d'arriération mentale (1908-1931).

 

Pendant la deuxième guerre mondiale, il a été interdit d'enseignement par le Gouvernement de Vichy et a été Résistant. Ses deux carrières politiques et universitaires se rejoignent quand il est nommé en 1944 secrétaire de l'Éducation nationale et préside une commission de réforme de l'enseignement qui marque durablement l'Éducation nationale sous le nom du projet Langevin- Wallon. Directeur de l'Institut de psychologie de l'Université de Paris, il crée en 1948 larevue Enfance. Il est président du Groupe français d'éducation nouvelle de 1946 à son décès en 1962.

 

Émile Jalley (1981) a montré comment Henri Wallon fut un lecteur attentif de la littérature scientifique et philosophique allemande ; comment il contribua à introduire et à diffuser dans la théorie psychologique française certains concepts de Hegel et de Freud, même si Wallon était opposé au concept adultocentré de sexualité infantile. En insistant sur la discontinuité et la notion de crise qui sous-tend cette discontinuité, Henri Wallon se montrait fidèle aux thèses hégeliennes de la dialectique. Il se distingue en cela de Jean Piaget, qui valorise plutôt, dans sa propre description des stades du développement infantile, les interactions au détriment des ruptures. Henri Wallon eut également une réelle influence sur la psychanalyse en France et à l'étranger. Émile Jalley a montré qu'il avait repris certaines observations ou concepts de Freud dans ses développements théoriques. En retour, certains psychanalystes se sont approprié ses observations, notamment René Spitz, Donald Winnicott et Jacques Lacan, ce dernier lui devant au moins la reprise du stade du miroir

 

 

Pédagogie et éducation

 

On confond parfois pédagogie et éducation: le pédagogue, c'est d'abord l'enseignant, le professionnel. Les spécialistes distinguent cependant l'éducation, qui est du côté de l'action, de la pédagogie, réflexion d'ordre philosophique aussi bien que technique, destinée à orienter l'intervention de l'éducateur. Les modèles pédagogiques se construisent à la fois à partir d'une systématisation des savoir-faire expérimentés sur le terrain et d'une théorie de l'éducation. Cette dernière peut être élaborée par les praticiens eux-mêmes, mais aussi par des philosophes (Platon, Rousseau, etc) voire des hommes politiques. Dans la mesure où elle cherche à transmettre des valeurs, la pédagogie a aussi une fonction politique: toutes les périodes de transformation sociale (l'époque carolingienne, la Révolution française, l'avènement de la III e République ) ont donné lieu à la production de nouvelles doctrines pédagogiques. Enfin, la pédagogie utilise à des degrés divers les apports des sciences humaines: elle a été influencée par les travaux de Jean Piaget et H. Wallon, les découvertes de la psychanalyse, la psychosociologie.

 

L’application de l’analyse à la pédagogie

 

 

Sigmund Freud considérait l'enseignement de la psychanalyse comme indispensable pour les éducateurs. La psychanalyse considère l'éducation comme une répression pulsionnelle. L'enfant doit acquérir le principe de réalité et devenir capable d'ajourner la satisfaction de désirs, voire de renoncer à certains modes de satisfaction. L'enfant le fait par amour, avant tout pour ses parents, et la pédagogie doit respecter ce principe.

« Quant à l'application de l'analyse à la pédagogie, je n'y ai personnellement contribué en rien; mais il était naturel que les découvertes analytiques sur la vie sexuelle et sur l'évolution psychique des enfants attirassent l'attention des éducateurs et leur fissent apparaître leurs tâches sous un jour nouveau comme pionnier infatigable de cette orientation dans la pédagogie, s'est particulièrement signalé à Zurich le pasteur O.Pfister, qui a trouvé la pratique de l'analyse compatible aussi avecle maintien d'une religiosité il est frai sublimée; citons à ses côtés Mme le Dr Hug-Hellmuth et le Dr S. Bernfeld à Vienne, ainsi que beaucoup d'autres. L'utilisation de l'analyse pour l'éducation préventive de l'enfant sain, de même que pour l'éducation corrective de l'enfant non encore névrosé, mais dévié dans son évolution, a donné lieu à une importante conséquence pratique. Il n'est plus possible de réserver l'exercice de la psychanalyse aux médecins et d'en exclure les non- médecins. En fait, le médecin qui n'a pas suivi une formation spécialisée est en dépit de son diplôme un profane en analyse, et le non-médecin peut, moyennant une préparation adéquate et le recours occasionnel à un médecin, remplir également la tâche du traitement analytique des névroses. Du fait de l'un de ces développement contre l'aboutissement desquels il serait vain de se cabrer, le mot psychanalyse lui-même est devenu plurivoque. Ayant désigné à l'origine un procédé thérapeutique déterminé, il est aussi devenu actuellement le nom d'une science, celle du psychique inconscient. Cette science ne peut que rarement venir à elle seule totalement à bout d'un problème; mais elle paraît appelée à fournir des contributions importantes aux champs les plus divers du savoir » Sigmund Freud (Extrait de Sigmund Freud présenté par lui-même Collection Folio Bilingue)

 

« L’important intérêt de la psychanalyse pour la science de l’éducation se fonde sur un énoncé qui est à l’évidence. Ne peut-être un éducateur que celui qui peut sentir de l’intérieur la vie psychique infantile, et nous adultes ne comprenons pas les enfants parce que nous ne comprenons plus notre propre enfance » Sigmund Freud

De son propre aveu, Freud reconnaît que l’éducation n’est pas un sujet dont la psychanalyse se soit particulièrement occupée.

« Un seul thème cependant me retiendra un instant, écrit-il dans les nouvelles conférences sur la psychanalyse ; non pas qu’il me soit très familier, ni que j’y ai moi-même beaucoup travaillé ; bien au contraire, à peine m’en suis-je préoccupé jusqu’ici mais de tous les sujets étudiés par la psychanalyse, c’est celui qui nous semble avoir la plus grande importance vu les magnifiques perspectives qu’il offre pour l’avenir. Je veux parler de l’application de la psychanalyse à la pédagogie, à l’éducation de la génération à venir. » Sigmund Freud

 

 

Quelles sont les raisons susceptibles de conférer une telle importance à la psychanalyse dans le cadre du projet pédagogique ?

A quelle titre le psychanalyste possède- t-il un titre spécifique de légitimité à théoriser la question de l’éducation ?

 

Freud répond à ces questions en pointant le dénominateur commun de la psychanalyse et de l’éducation toutes deux reconnaissent l’importance décisive de l’enfance dans l’évolution de l’homme.

Il est facile de voir, précise Freud comment nous avons pu parvenir à comprendre l’importance pédagogique de l’analyse. Chaque fois qu’en traitant un névrosé adulte nous parvenions à pressentir la cause de ses symptômes, nous nous trouvions infailliblement ramener à l’époque de sa prime enfance.

 

Qu'en est-il vraiment de l'application de la psychanalyse à la pédagogie?

 

Freud dit n'y avoir personnellement contribué en rien, laissant à Mélanie Klein et à Anna Freud, sa fille institutrice, le soin d'une application du modèle métapsychologique au champ de l'éducation. Pourtant l'enfance est présente partout dans la réflexion freudienne. Rares sont les notices analytiques qui n'y font pas référence. De la théorie des stades au concept de « séduction précoce », de l'idée de sexualité infantile à celle, centrale d'Oedipe, l'ensemble de l'oeuvre repose sur une théorie de l'enfance et de son développement. L'enfance apparaît comme une période déterminante pour la formation de la personne

"Sigmund a très tôt pensé que la psychanalyse pouvait apporter ses lumières aux domaines de l'éducation et de l'enseignement.

  A sa suite, bien des psychanalystes et des pédagogues ont cherché les outils théoriques et pratiques permettant d'éduquer et d'enseigner dans la reconnaissance des dimensions inconscientes du sujet. Si Freud      ne s'est pas véritablement penché sur la pédagogie dans le contexte d'une classe ou d'une institution, August Aichhorn et Hans Zulliger se sont engagés à le faire, se confrontant alors à quelques impasses dans leur application du corpus freudien : l'impasse d'un transfert quasi obligatoire sur la figure du maître ou celle d'une identification au maître sur le modèle de l'identification au meneur développée dans "Psychologie des masses et analyse du moi" Dans des textes peu connus de Freud, d'Aichhorn et de Zullinger, on trouve déjà des questions sur lesquelles les pédagogues butent aujourd'hui : autorité, autonomie, interdit de pensée, illusion du progrès et difficile prophylaxie. C'est une référence pour tous ceux qui travaillant dans l'éducation et la formation ne nient pas l'efficience des phénomènes inconscients.

Ce qu’il y aura de changé, c’est sa façon de juger un grand nombre de manifestations psychiques de l’enfant et par suite son attitude à leur égard. Une intelligence approfondie de l’âme enfantine, tel est le considérable, l’inappréciable bénéfice que l’éducateur retirera de l’étude de la psychanalyse. (…)

Il n’est d’ailleurs pas question, pour l’instituteur initié à la psychanalyse, de s’ingénier à appliquer sans cesse ses talents à ses élèves, de mettre ceux-ci sur un piédestal et de s’émerveiller de tout ce qu’il découvre en eux. Désormais il n’aura que rarement ou même plus du tout à pratiquer lui-même la psychanalyse. Mais, dans les cas où, grâce à ses connaissances, il aura constaté une sérieuse anomalie psychique, il attirera sur elle l’attention des parents et les amènera à recourir aux soins d’un médecin compétent. Ce qu’il y aura de changé, c’est sa façon de juger un grand nombre de manifestations psychiques de l’enfant et par suite son attitude à leur égard. Une intelligence approfondie de l’âme enfantine, tel est le considérable, l’inappréciable bénéfice que l’éducateur retirera de l’étude de la psychanalyse(…) Les jugements de l’école, les classements qu’elle établit, sont faux, faux en ce sens qu’elle juge exclusivement le savoir. Mais ce n’est pas ce que demande la vie. Pour elle, tout est dans le pouvoir. Naturellement, il faut que celui qui « peut », sache. Mais le savoir n’a, comme tel, qu’une importance secondaire ; il n’est souvent que le chemin, le moyen du pouvoir, moins encore quelquefois : ce que nous « savons » est bien peu de chose ! « Savoir, c’est pouvoir », dit-on parfois. C’est une absurdité ; la vie le prouve tous les jours. S’il en était autrement, nos brillants sujets scolaires devraient, vis-à-vis des cancres, réussir bien autrement dans la vie que ce n’est, généralement le cas. L’école d’aujourd’hui surestime le savoir au détriment du pouvoir; elle enseigne trop, elle n’élève pas assez. On peut dire qu’en fait le maître n’a généralement pas à faire œuvre d’éducateur : ses élèves sont assis immobiles à leur banc ; dans l’intervalle des classes le règlement détermine leur conduite et sur eux plane la menace de la punition. L’ère du machinisme qui s’achève (si Dieu le veut) s’est constituée en système qui exclut à peu près entièrement la seule vraie discipline, celle que l’on exerce sur soi-même. Un système, un ordre valable pour tous règle la vie scolaire et enchaîne les volontés individuelles, contraint la liberté des mouvements et le développement de la personne, comme font, pour la vie publique, tous les règlements et les petits décrets qui se multiplient. Quand l’adolescent a été réduit à l’état d’empreinte, empreinte d’un cliché découpé dans l’inflexible acier d’une légalité qui se constitue et s’impose à nous de l’extérieur, le maître n’a plus, finalement, à se considérer comme chargé d’autre chose que de transmettre un savoir. S’il survient un événement où se trouve engagée sa personnalité d’éducateur, il en reçoit une impression pénible, comme d’un dérangement dans sa mission qui est de communiquer une certaine somme de connaissances. Tout son effort tend, en usant de moyens tout extérieurs de répression, à ramener au type normal l’élève qui s’en est écarté, de façon à pouvoir reprendre le plus tôt possible ce culte rendu à la science qu’est son enseignement. Il se soucie peu des motifs profonds de la résistance des élèves, motifs qu’il lui est impossible d’atteindre, car la punition est plus expéditive,- et parce qu’il n’y a pas d’examen pour mesurer l’art si profond de l’éducateur, ni d’inspecteurs pour qualifier en une demi-journée les maîtres aptes à le pratiquer. Mais il y a pis ; et il n’est pas rare de voir considérer comme un « mauvais maître » celui qui s’occupe beaucoup d’éducation ; surtout si, ce faisant, il réduit si peu que ce soit la quantité qu’il enseigne, tandis qu’un autre chez lequel « il ne se passe jamais rien », parce qu’il est tatillon et inquisiteur, aura la réputation et les avantages d’un bon maître. (…)

 

 

La psychanalyse à l’école Hans Zullinger (Traduction parue en 1930 aux éditions Flammarion)

Lorsque les grands protagonistes de la " cause " Freud, le pasteur Pfister, Jung, s’adonnent dans leur correspondance à l’espoir que les " lumières " fournies par la psychanalyse vont " éclairer " les éducateurs de façon inestimable d’entrée de jeu à la fois l’originalité et le réalisme de la pensée de Freud, sur le malaise inhérent à la sexualité elle-même et l’impossibilité de la satisfaction, sur l’importance de ne pas réprimer les pulsions sexuelles, " ces sources de forces fécondes ", mais de les transformer, de les sublimer à l’encontre de ce que pratique la pédagogie répressive, productrice d’un surmoi écrasant et ignorante du développement organique de l’enfant. Si Freud invite les pédagogues à renoncer à soumettre les enfants à tout " interdit de penser " et à réfléchir aux illusions qui sous-tendent toute volonté de transformation dans le champ de l’éducation, il les encourage, en revanche, à développer leur connaissance du psychisme de l’enfant ainsi que celle de leur propre affectivité, où se logent les identifications imaginaires et où se jouent tous les risques de dérive. Parmi les textes plus explicitement consacrés aux rapports entre la psychanalyse comme " pôle théorique " (p. 39) et la pédagogie dont la tâche est d’inventer les conditions de mise en oeuvre du savoir de l’inconscient dans son champ, " l’intérêt de la psychanalyse " de 1913, la Préface au livre d’Aichhorn, Jeunesse à l’abandon, de 1925, et la Nouvelle suite des leçons d’introduction à la psychanalyse de 1932 retiennent justement l’attention de Freud s’exprime assez clairement sur sa conception du travail éducatif et ceci dans un passage de la sixième des Nouvelles conférences, il y fixe ainsi la tâche de l’éducateur : il s’agit de « connaître les Particularités constitutionnelles de l’enfant, savoir deviner grâce à de petits indices ce qui se passe Dans son âme encore inachevée, lui témoigner sans excès l’amour qui lui est dû tout en conservant L’autorité nécessaire » « tâche malaisée » pour les éducateurs constate Freud, « et en l’envisageant On se dit que seule l’étude approfondie de la psychanalyse est capable de constituer une préparation suffisante à l’exercice d’une telle profession. Les éducateurs nous dit Freud, qu’ils agissent sur les enfants, les adolescents ou les adultes agissent toujours sur l’Enfant, c’est-à-dire sur la jouissance. C’est en cela que Freud définit l’éducation dans ses conférences de 1917 comme « le sacrifice de la pulsion ». L’Enfant étant un autre nom de la jouissance.

 

 

 

La pensée de Freud peut-elle nous éclairer aujourd’hui ?

Un avis parmi d’autres…

 

 

Dans chacun de nos pays qui se veut développé, l'accent est mis de façon évidente ces dernières années sur l'éducation et l'encadrement des enfants dès leur plus jeune âge. Sur les méthodes utilisées, les avis sont partagés car on peut se demander si notre système ne présente pas certains effets pervers inconnus de nous ou que nous nous obstinons à ignorer.

Freud, psychanalyste de notre siècle, ne serait-il pas en mesure de nous aider à y voir clair ? Il se démarque en effet du point de vue de ses contemporains en refusant de cautionner certaines dispositions de l'éducation qui, selon lui, font de l'enfant une victime, ainsi que l'atteste le passage de son œuvre qui traite de la valeur de l'éducation jugée du point de vue psychanalytique.

Un examen attentif du texte devrait nous permettre, au vu du cheminement réflectif de Freud, de savoir si l'on doit ou non continuer sur notre lancée au risque de poursuivre sur un cheminement pédagogique erroné.

Tout au long du texte, Freud tente de clarifier une situation équivoque, qui est celle dans laquelle nous nous trouvons en matière de pédagogie. En effet, il est question pour lui de mettre le doigt sur une monstruosité engendrée par notre système, à savoir le refoulement, fruit vénéneux de notre modèle éducatif.

C'est pourquoi Freud est amené à s'interroger sur d'éventuelles solutions qui permettraient aux parents, mais aussi au corps enseignant, de rompre avec le processus pathogène du refoulement.

De cette façon, Freud se pose sans équivoque comme étant en contradiction avec les gens de son époque et se porte volontaire pour apporter des solutions au problème qu'il soulève. Il est d'avis que le refoulement engendré par la " répression d'instincts puissants exercée par l'extérieur " conduit immanquablement à la névrose. Il pense que l'homme devrait s'appuyer sur ses tendances, fussent- elles perverses, pour s'améliorer; c'est ce qu'il appellera le processus de sublimation.

Freud argumente en deux temps : il énonce tout d'abord sa critique qu'il justifie, développe et synthétise ensuite. Dans la première phrase, il exprime son point de vue sur la répression de instincts en l'opposant à l'opinion commune qu'il récuse, à savoir l'extinction ou la domination des " instincts asociaux " qui sommeillent en nous. Dans la suite du passage, il explicite le bien-fondé de sa thèse en mettant l'accent sur les effets néfastes découlant d'une telle initiative de répression. Il développe ensuite les caractères positifs que pourraient revêtir nos tendances perverses innées en nous proposant le procédé innovant qu'est la sublimation, le tout en s'appuyant sur un constat prouvant la rai- son d'être de sa thèse. Pour finir, il fait une brève synthèse de son argumentation et quitte le lecteur sur un conseil qui le poussera à s'interroger. Freud se livre d'entrée de jeu à une critique sans ménagement, consistant à dire que la répression de nos instincts n'en a jamais fait des pulsions anéanties ou dominées. C'est pourtant l'idée que se font la majorité des gens. Au terme de l'éducation qui lui est dispensée depuis son plus jeune âge, un individu doit ressortir purifié de ses tendances " honteuses " originelles pour n'être plus qu'un être digne, maître de lui, animé uniquement d'intentions louables. En d'autres termes, de l'éducation sur- girait l'être humain au sens noble du mot. Or Freud s'oppose catégoriquement à cette théorie, qu'il juge aberrante. Pour lui, le refoulement occasionné par une telle pratique éducative est source de névroses. Le but de l'éducation est donc manqué en ce que celle-ci opère sur ses " sujets " l'effet inverse que l'objectif initialement fixé. L'éducation va alors à l'encontre de sa finalité formatrice car au lieu de nous laver de notre facette maligne, elle s'ajoute comme source supplémentaire de maux. Non contente de pervertir l'être humain, elle le mène à sa ruine.

Après avoir dénoncé sans ménagements l'éducation répressive, Freud s'appuie sur sa pratique personnelle pour donner davantage de poids à son rejet lorsqu'il dit que " la psychanalyse a souvent eu lieu l'occasion d'apprendre… " les effets nocifs du refoulement des pulsions de l'enfant. On en dé- duit qu'il a pu, à de nombreuses reprises, constater les dégâts d'une éducation abusivement sévère qui, par le truchement de ce qu'il appelle par ailleurs le "sur-moi", instance intériorisée des interdits qui pèsent socialement sur l'enfant, réprime ses pulsions, constitutives de son "ça". Il s'appuie d'ail- leurs sur des observations cliniques, telles que celles de la genèse de " maladies nerveuses " et évoque " le préjudice de la capacité d'agir et de la capacité de jouir " subi par l'enfant névrotique pour illustrer son argument. C'est alors qu'envisageant les intentions de l'éducation répressive, il aborde le thème de la " normalité exigée ". On peut dès lors se demander quelle est cette normalité si chaque homme se trouve en partie anéanti par un refoulement qui le mine. Car si nous ne refoulions pas ce qui serait consciemment pour nous source de déplaisir ou de souffrance, nous aurions la capacité de trouver un remède à ces maux. Mais les garder ensevelis dans notre inconscient est beaucoup plus néfaste que d'affronter la réalité car le mal nous ronge petit à petit de l'intérieur. Freud en arrive ainsi à envisager une autre orientation possible de l'éducation qui, au lieu de cher- cher à voiler au plus tôt nos côtés pervers, tendrait au contraire à les exploiter et à s'en servir comme d'un tremplin pour s'améliorer. Car c'est bien là l'essence même de la sublimation de transformer nos pulsions ou sentiments inacceptables en désirs orientés vers des buts socialement valorisés. En effet, pourquoi ne pas exploiter le filon de certaines tendances initialement néfastes, comme par exemple l'agressivité, source de barbarie et de débordements de violence, pour l'orienter positivement en   la mettant au service de causes nobles, comme la défense des plus faibles, à la façon d'un Robin Des Bois. Brider ce qui peut s'avérer être un atout se révèle en effet absurde; et on comprend que Freud fustige le manque de discernement des éducateurs inconsidérément sévères ! Freud prouve indéniablement la véracité de ses propos en nous disant que " nos meilleures vertus sont nées […] sur l'humus de nos plus mauvaises dispositions ": d'où viennent en effet les vraies qualités morales, appelées "vertus", sinon d'une heureuse mise en œuvre de nos pulsions initiales, ordonnées initialement à l'obtention de notre seule jouissance ? La normalité conservatrice va donc à l'encontre de la créativité et de la diversité des hommes qui fait pourtant leur richesse. S'obstiner à la rechercher équivaut à maintenir volontairement l'humanité à l'état larvaire.

Dans sa dernière phrase, Freud nous met une ultime fois en garde contre le gâchis et les troubles qu'opère l'éducation telle qu'elle nous est présentée et nous quitte sur un conseil visant à nous faire réfléchir sur la tournure que devrait prendre l'éducation afin de ne pas se détourner de son objectif premier en disant que " L'éducation devrait se garder soigneusement de combler ces sources de forces fécondes et se borner à favoriser les processus par lesquels ces énergies sont conduites vers le bon chemin. " .Par son argumentation, Freud règle leur compte à des idées éducatives reçues, auxquelles bien des esprits seraient tentés aujourd'hui de revenir en réintroduisant une disciple de fer là où le laxisme s'est installé, et il fait ainsi un travail que l'on pourrait qualifier de philosophiquement sanitaire. Il se livre en effet à une critique acerbe de l'éducation telle qu'elle se présente à son époque, critique dont on ne peut que reconnaître le bien- fondé psychologique et culturel. Il est d'avis que l'enfant ne doit pas sans cesse être bridé et maintenu dans le carcan dit " du droit chemin ", mais au contraire devrait bénéficier de stimulations afin de se forger un caractère qui ne corresponde pas forcément à un idéal type préétabli. Il prône ainsi un système éducatif avant-gardiste, basé sur la sublimation dans le but de remédier au problème du refoulement. Non content de remettre en cause l'éducation traditionnelle à cause des conséquences perverses et novices que celle-ci implique, Freud préconise ainsi un mode d'éducation nouveau, correctif et non répressif, qui a largement influencé la pratique éducative d'abord américaine puis, globalement, occidentale. Malgré tout, son argumentation peut appeler quelques réserves de notre part. En effet, la théorie de Freud, bien que séduisante, est fondée sur des hypothèses psychologiques qui restent en grande partie à valider. Il a certes pu vérifier les effets pervers du système éducatif de la Vienne impériale sur la clientèle qu'il a reçue, mais la validité de sa théorie-remède n'en reste pas moins en grande part indémontrée, au même titre que l'existence d'un inconscient qui serait à résorber. L'hypothèse de l'inconscient, lieu de pulsions refoulées peut laisser en effet encore plus d'une personne sceptique, tels qu'Alain l'était au début du siècle ou Sartre encore, plus proche de nous. Georges Steiner lui- même trouve malheureuse la cure psychanalytique qui prétend lever le refoulement en nous privant de nos combats intérieurs. Freud lui-même n'a-t-il pas refusé d'analyser Rainer Maria Rilke, eu égard au fait qu'il tarirait alors sa créativité poétique ? Enfin, quantité de personnes n'ont-elles pas vécu et ne continuent-elles pas de vivre sans problème particulier, ayant pourtant reçu la même éducation sévère que d'autres, souffrant de troubles pro- fonds. On peut dès lors se demander si le mal ne provient en grande part de la personnalité de l'individu plutôt que de son éducation. Il ressort de notre analyse de la pensée de Freud sur la question de l'éducation qu'il n'est pas en phase avec son temps. Nous devons verser à son crédit la proposition de méthodes innovantes pour pallier aux faiblesses inhérentes au système éducatif traditionnel, souvent plus stérilisant que stimulant. Malgré tout, son argumentation reste fragile et la solution qu'il préconise sujette à caution. N'est-ce pas le signe qu'entre la répression et le laisser-aller, l'éducation idéale est difficile à trouver ?

 

 

 

Psychanalyse et pédagogie

ou: d'une prise en compte de l'inconscient dans le champ pédagogique

 

 

II est courant de poser la problématique des rapports entre psychanalyse et pédagogie en termes d'«application ». Ce concept reste cependant équivoque et désigne mal les diverses modalités d'une relation entre l'« analytique » et le « pédagogique ».

La psychanalyse se présente à la fois comme une pratique (la cure analytique) et un savoir (le corpus des connaissances analytiques). La pédagogie réfère de son côté soit à des pratiques, soit à des théories ou des théorisations de la pratique.

La problématique de leurs rapports peut dès lors être schématisée comme suit :

— S'agit-il de transposer le modèle de la cure à la pratique pédagogique ou à la théorie de cette pratique ?

— S'agit-il d'inspirer pratique ou théorie pédagogique par le savoir analytique ?

— S'agit-il d'utiliser ce savoir pour une exploration du champ pédagogique aboutissant à la production de connaissances nouvelles sur le dit champ ?

— S'agit-il enfin d'être analyste dans l'acte même de recherche et d'écoute de ce qui se passe dans ce champ ?

Si la notion d'« application » peut être dite pertinente dans les deux premiers cas, puisqu'il s'agit d'étendre la psychanalyse à un autre domaine, elle ne l'est en revanche pas dans les deux autres cas. Ces derniers relèvent d'une approche, à fin de connaissance, qui utilisent l'interprétation analytique, et qui peuvent être conceptualisés en termes de lecture et de décryptage.

L'unité de ces deux catégories — disons d'« usage » — de l'analyse réside néanmoins dans la visée dernière d'une prise en compte de l'inconscient, soit dans l'activité et la théorie pédagogique, soit dans la recherche fondamentale.

 

 

Freud et ses disciples éducateurs (1908-1937)

 

La première expression publique d'un travail de réflexion spécifique sur une approche psychanalytique des dispositifs pédagogiques date de 1908. Il s'agit d'une conférence de Sandor Ferenczy, un des psychanalystes de la première génération des disciples de Freud, prononcée à Salzbourg, sur le thème « Psychanalyse et pédagogie ». Ferenczy met en question le caractère répressif de l'éducation de son époque ; il voit notamment dans la pédagogie un « bouillon de culture des névroses les plus diverses » : elle « néglige la véritable psychologie de l'homme », cultive le refoulement des émotions et mène à une « cécité introspective » (Ferenczy S. ; 1908, in Oeuvres complètes, t. 1, 51-56).

 

Mais c'est Oskar Pfister, un pasteur protestant qui pratique déjà des cures analytiques à Zurich (inspiré par Jung) qui donne l'année suivante à Freud l'occasion d'approuver le projet d'une « application » de la psychanalyse à l'éducation ; il s'agit de deux textes qu'il lui adresse : l'un est intitulé « Idée délirante et suicide chez les écoliers» (1909), l'autre «Soin psychanalytique des âmes et pédagogie morale».(1909). Une pédagogie qui prenne en compte les découvertes de la psychanalyse devrait, dit Pfister, permettre de mieux préparer l'enfant à une vie non névrotique. Freud lui répond qu'il adhère à une idée qui s'inscrit dans la possibilité d'étendre la psychanalyse à d'autres disciplines, dont la pédagogie.

 

 

Education et instruction

 

« L’instruction se définit nominalement comme la transmission de connaissances. Instruire c’est donner des outils, des instruments ; c’est donc fournir à quelqu’un les outils qui lui permettront de fabriquer quelque chose, ce n’est donc aucunement notons-le fournir la chose toute faite! par la, l’instruction a pleinement part au projet d’autonomie dont l’enfant est l’objet.

 

S’instruire signifie donc acquérir des connaissances mais ces connaissances elles-mêmes ne peuvent à proprement parler, être transmises par le maître.

On peut fournir des outils permettant d’élaborer une activité de construction, on ne saurait transmettre une activité de construction.

Celle-ci devra être nécessairement voulue, désirée par le sujet lui-même. En ce sens, la nature de l’instruction est une auto-construction, et toute instruction doit viser l’autonomie. Le travail du maître est seulement de donner à l’élève le goût de l’étude, de le guider dans ce projet d’émancipation intellectuelle. Instruire signifie ainsi libérer l’autre en l’aidant à penser par soi-même et à construire une connaissance vraie objectivement mais aussi subjectivement.

Instruction et éducation se rejoignent dans une finalité commune qui est de rendre libre.

Eduquer c’est élever comme nous l’enseigne l’étymologie

Eduquer un enfant, c’est le faire grandir, l’élever dans son humanité non certes pour l’instrumentaliser mais au contraire pour lui donner les moyens de se passer ultérieurement de son maître et de devenir autonome

Eduquer consiste à conduire de la nature à la liberté

La confusion entre éduquer et instruire est préjudiciable et plus particulièrement lorsqu’il s’agit de définir la mission essentielle de l’école.

Il y a une place pour l’éducation en plus de l’instruction et au-dessus d’elle ! L’instruction s’adresse exclusivement à l’esprit qu’elle vise à former par l’acquisition des savoirs et le libre exercice du jugement; l’éducation, de son côté, s’adresse à l’être tout entier – non seulement raison, mais sensibilité, affectivité, sexualité, sens moral, sens civique qu’elle appelle à s’épanouir par la soumission de sa conduite à des valeurs.

En ce sens, la visée éducative est plus large que celle de l’instruction : elle vise l’homme total dont elle l’épanouissement intégral.

Ainsi donc, que l’école éduque ou qu’elle instruise, elle ne doit enseigner que ce qui peut se fonder en raison et elle ne doit s’adresser qu’à la raison de ceux qu’elle enseigne. Vouer les enfants à la seule puissance de la raison et à la seule contrainte de la vérité, telle est la mission de l’école, mais aussi en fin de compte de toute éducation bien pensée. La fin de la psychanalyse tout comme celle de l’éducation est consubstantielle avec le projet d’autonomie. Psychanalyse et éducation parlent d’une même voix, elles nourrissent le même projet et visent la même fin : la liberté.

La psychanalyse peut nous faire comprendre l’enjeu de la tâche éducative par le regard qu’elle jette sur l’être humain

 

Est-ce sérieux ?

 

‘’Nous avons un parallélisme entre les voies du désir sexuel et le chemin vers le savoir et l’inhibition les affecte de façon concomitante. Freud le confirme lorsqu’il fait de l’inhibition une mesure pour se protéger des conflits avec le çà, il prend l’exemple de l’écriture

« Lorsque l’écriture, qui consiste à faire couler d’une plume un liquide sur une feuille de papier blanc, a pris la signification du coït, elle est abandonnée parce qu’elle reviendrait à exécuter l’acte sexuel interdit »

Cette inhibition protectrice vaut également face au Surmoi (elle est alors au service de l’auto- punition) et face aux exigences de l’idéal du Moi.

Enfin, certaines inhibitions sont liées à la dépression ou au deuil qui impose un travail psychique qui accapare toute l’énergie psychique disponible. Ainsi, un enfant bloqué dans ses apprentissages, s’il n’est pas déprimé (le fléchissement scolaire est un symptôme dépressif souvent mal reconnu) est aux prises avec l’inhibition psychique.

- Soit parce que les performances scolaires satisferaient trop le parent qui les attend, c’est-à- dire que le savoir est en place d’enjeu de séduction incestueuse.

- Soit parce que la réussite scolaire attiserait la rivalité oedipienne, en amenant le fils, par exemple, à dépasser son père dans les études, ce qui équivaut à le tuer symboliquement et expose à l’angoisse de représailles sous la forme de la menace fantasmatique de castration

- Soit enfin, qu’il préfère se contenter de peu plutôt que de décevoir une attente idéale ou bien qu’il s’interdise ou se limite dans l‘acquisition de savoirs qui battent en brèche les idéaux

En effet, une scolarité brillante peut être assimilée à un désaveu de la culture d’origine pour le fils d’immigré ou pour l’élève d’extraction modeste, par exemple.

Le succès représente alors un déchirement vis-à-vis des modèles et des cadres culturels familiaux. Dans l’apprentissage, il s’agit toujours au fond de quitter : quitter un terrain connu pour un espace encore inconnu de connaissances nouvelles, quitter ses parents, quitter sa culture d’origine, etc. Apprendre confronte toujours à la castration. C’est toujours une épreuve que certains enfants qui semblent avoir dépassé leur problématique oedipienne et dont le désir d’apprendre apparaît intact, échouent de façon inquiétante comme si l’accès à la connaissance les menaçait réellement familiaux. L’inhibition correspond ici à un interdit de savoir renvoyant à un élément qui doit rester ignoré : quelque chose qui représente un danger perçu comme réel : (histoires obscures de famille, concernant souvent la filiation, maltraitance ou abus, vœu de mort sur un membre de la famille, maladie d’un proche, etc, qui ne doit pas être su, ni représenté, et cette omerta contamine toute possibilité de savoir. Le poids des non-dits et de l’interdit de savoir (qu’il soit énoncé explicitement ou non) envahit l’ensemble du champ de la connaissance. On comprend, pour conclure, que tout processus d’apprentissage, et donc toute pédagogie implique le passage par une succession d’épreuves et de renoncements qui pourraient s’avérer initiatiques.’’

 

Un avis peu nuancé………..

 

« En pédagogie, le massacre freudien est incommensurable, sa logique fondamentale, ici, est simple :

Puisque la culture est un vernis gagné au prix de la répression et que ce vernis est un mécanisme de destruction du plaisir, visons l’authenticité. Et comment atteindre cette authenticité : en évitant toute répression. Le bonheur et l’accomplissement tiennent à l’éclosion spontanée de ce « bon sauvage » qui se cache au fond de l’inconscient pur et sans tache de tout individu. Ergo : nous avons mis au point une pédagogie de la complaisance et de la facilité où le premier impératif n’est pas d’acquérir les outils de la survie et de se mesurer aux exigences du réel, mais tout bêtement de s’exprimer. »

 

C’est mieux ………………….

 

Il est difficile de défendre l’image d’un Freud pédagogue mais par contre on peut tout à fait prétendre qu’il était par contre pénétré de l’importance d’une extension des découvertes de la psychanalyse au champ de la pédagogie.

Ce qui autorise, en tout état de cause, des versions différentes voire opposées de Freud, ce sont ses propres contradictions. En effet, il y a au moins 16 mentions de l’application de la psychanalyse à l’éducation dans ses divers écrits entre 1909 et 1932, dont les plus significatifs sont essentiellement une Préface au livre de Pfister la Méthode psychanalytique (1913), un chapitre de l’Intérêt de la psychanalyse intitulé « l’Intérêt du point de vue pédagogique », qui date également de 1913, la Préface au livre d’Aischorn Jeunesse à l’abandon (1925), et surtout en 1932 la fameuse « sixième Conférence » traduite dans les Nouvelles conférences sur la psychanalyse. Or, tout se passe comme si Freud passait d’une vue « optimiste » des rapports psychanalyse / pédagogie à une vue plus «pessimiste ». Il écrit en 1925 : « De toutes les utilisations de la psychanalyse, aucune n’a rencontré autant d’intérêt, éveillé autant d’espoir, que son application à la théorie et à la pratique de l’éducation des enfants ». Mais si, dans la « Sixième conférence » l’accent est mis au départ sur les « magnifiques perspectives » qu’offre pour l’éducation de la génération à venir l’ « application de la psychanalyse à la pédagogie », les choses évoluent au fil du discours puisque en définitive l’éducateur ne pourra guère apprendre de la psychanalyse que l’art de naviguer entre le « Scylla du laisser-faire et le Charybde de l’interdiction ». La confiance précédente dans la possibilité pour l’éducateur pratiquant une « éducation psychanalytique » d’éviter à l’enfant de tomber dans des névroses cède la place à une sorte de repli désabusé sur des positions pédagogiques bien banales. Freud semble même s’excuser de ne pas s’aventurer lui-même dans le domaine pédagogique, tout en se disant particulièrement heureux que sa fille Anna Freud « se voue à cette tâche » ce qui rachète sa propre abstention »

 

 

 

Education nouvelle

 

 

Courants pédagogiques

 

L'éducation nouvelle s'appuie sur les principes de la pédagogie active et la confiance dans les ressources propres à chacun. Elle prône un apprentissage à partir du réel et du libre choix des activités. Les différents pédagogues de ce mouvement expriment de diverses manières cette nécessité de favoriser l'expérience personnelle : pour John Dewey, on apprend en faisant (« Learning by doing »), Freinet lui fait écho en parlant de tâtonnement expérimental. Decroly estime qu'il faut partir des centres d'intérêts, Cependant, l'éducation nouvelle ne se limite pas à un enseignement par des méthodes actives venant se substituer à l'enseignement magistral. Elle estime que l'éducation ne peut isoler l'enseignement des matières académiques des autres champs de l'éducatif, et attache une importance égale à tous les domaines : intellectuels, artistiques, mais également physiques, manuels et sociaux. C'est une éducation globale, où est important le milieu de vie élaboré par l'école.

L'apprentissage de la vie sociale est essentiel : depuis le « self-government » de Summerhill aux conseils coopératifs de la pédagogie institutionnelle, le respect de l'enfant implique qu'il soit partie prenante des règlements qui régissent sa vie. Cette pédagogie a été historiquement expérimentée dans des lieux où les enfants vivaient en permanence : orphelinats ou internats. Adolphe Ferrière estimait en 1919 qu'une école nouvelle était nécessairement un internat situé à la campagne. La mixité y était également considérée comme un point indispensable. De nos jours, pour atteindre ces mêmes objectifs, elle associe étroitement les parents à la vie de l'école.

 

La Pédagogie FREINET, la Pédagogie Institutionnelle, la Pédagogie Différenciée…

 

 

Courant des méthodes actives Pédagogie Freinet

La pédagogie Freinet est une pédagogie originale, mise au point par Célestin Freinet, fondée sur l'expression libre des enfants ; texte libre, dessin libre, correspondance interscolaire, imprimerie et journal étudiant, etc., qui se perpétue de nos jours. Célestin Freinet pensait avant tout en termes d'organisation du travail et de coopération. Freinet parle de « technique Freinet », pas de méthode ou de pédagogie, car les techniques évoluent. Il a mis au point un livre intitulé Les techniques Freinet de l'école moderne (1964). Depuis 1899 le mouvement de l'Éducation nouvelle existe officiellement, grâce au pédagogue suisse Adolphe Ferrière, et sous divers courants (Ferrière, Édouard Claparède, Ovide Decroly, Roger Cousinet, etc.). Freinet a été instituteur, d'abord à Bar-sur-Loup (1920-1928), puis à Saint-Paul-de-Vence (1928-1935), dans l'école qu'il crée à Vence (1935), et enfin à Cannes (1946) au sein de la Coopérative de l'Enseignement Laïc (CEL), toujours dans le département des Alpes-Maritimes. Guy Avanzini indiquait en 1972 que « le pourcentage de praticiens Freinet n'avait probablement jamais atteint 5 % »[1]. Henry Peyronie ajoute en 1999 ; « Il nous semble qu'on pourrait estimer aujourd'hui cette proportion à 1 ou 2 %. »[2]

 

 

Maria Montessori : médecin, anthropologue et pédagogue a étudié pendant 50 ans des enfants de milieux sociaux et culturels très différents. Son observation de l'être humain de la naissance à la maturité lui a permis d'élaborer des principes philosophiques, psychologiques et pédagogiques. Ceux-ci, ainsi qu'un matériel autodidactique complet, définissent la pédagogie Montessori.

Pour Maria Montessori, il est primordial d'offrir à l'enfant la possibilité d'épanouir au maximum ses différentes sensibilités :

·  dans un cadre adapté à ses besoins psychologiques ;

·  en respectant son rythme propre et ses particularités individuelles (ses périodes sensibles) ;

·  tout en l'éveillant à la vie sociale.

 

 

Les psychologues contemporains montrent le passage de l'enfant par différents stades de développement psychologique. Ces stades sont les mêmes pour tous et possèdent un ordre de succession invariable. Mais dans la psychologie montessorienne, chaque enfant est unique. Il a sa personnalité propre, son rythme de vie, ses qualités et ses difficultés éventuelles. Les enfants traversent tous des « périodes sensibles » :

 

· Il s'agit de sensibilités spéciales en voie d'évolution, des moments de la vie de l'enfant où ce- lui-ci est tout entier « absorbé » par une sensibilité particulière à un élément précis de l'ambiance.

· Ce sont des périodes passagères, transitoires ; elles se limitent à l'acquisition d'un caractère déterminé ; une fois le caractère développé, la « sensibilité » cesse. Il est donc primordial que l'ambiance (l'environnement) offre au bon moment à l'enfant les moyens de se développer.

 

 

Selon Maria Montessori, « si l'enfant n'a pu obéir aux directives de sa période sensible, l'occasion d'une conquête naturelle est perdue, perdue à jamais ». Pendant ces périodes sensibles, l'enfant as- simile telle ou telle acquisition. Si l'enfant est aidé à ce moment précis, l'apprentissage se fait en profondeur. Mais si l'enfant ne trouve pas les éléments (dans l'ambiance et le matériel) qui répon- dent à son besoin du moment, la sensibilité s'étiolera progressivement.

Maria Montessori est convaincue que les forces du développement sont incluses dans l'être vivant et que l'œuvre de l'éducation consiste à conserver leur spontanéité, et à éloigner tout ce qui pourrait les affaiblir et les empêcher de s'épanouir.

Il faut que l'enfant édifie lui-même sa personnalité et qu'il développe ses facultés motrices et intellectuelles. C'est pourquoi l'éducateur doit avoir une confiance complète dans les forces de l'enfant, respecter sa liberté d'action et préparer l'ambiance nécessaire et favorable à son développement.

L'éducateur doit être capable d'observer les différences de rythme de l'enfant, il doit bien connaître chaque enfant en faisant preuve d'attention et de respect.

Créée dans un quartier pauvre de Rome, cette pédagogie a su obtenir l'enthousiasme de milliers d'enseignants de par le monde.

Cette méthode d'éducation, en pratique depuis le début des années 1900, a permis l'éclosion de nombreuses écoles maternelles puis primaires, et même pour les jeunes jusqu'à 18 ans.

Lorsque Maria Montessori quitte l'Inde en 1952, cette méthode a le vent en poupe, puisque Maria a formé des milliers d'enseignants à sa méthode.

Par contre, la situation est nettement moins rose en Occident. Suite à la Seconde Guerre mondiale, le nombre d'écoles ouvertes est minime. À la fin des années 1950, il ne reste plus que quelques écoles ouvertes aux États-Unis, maintenues en activité par des disciples de John Dewey.

La méthode imprègne cependant doucement les esprits à travers plusieurs initiatives locales (par exemple sœur Gisèle Pelvey en France).

Les années qui suivront verront une expansion de sa pédagogie sur tous les continents. En 2005, il y a environ 4 500 écoles de par le monde qui enseignent selon cette approche pédagogique.

 

 

 

 

Letter from Sigmund Freud to Maria Montessori, December 20, 1917

Sigmund Freud

 

 

 

My dear Frau Montessori

 

 

Vienna, IX, Berggasse 19

December 20, 1917

It gave me great pleasure to receive a letter from you. Since I have been preoccupied for years with the study of the child's psyche, I am in deep sympathy with your humanitarian and understanding endeavors, and my daughter, who is an analytical pedagogue, considers herself one of your disciples.

I would be very pleased to sign my name beside yours on the appeal for the foundation of a little institute as planned by Frau Schaxel. The resistance my name may arouse among the public will have to be conquered by the brilliance that radiates from yours.

Yours very sincerely

Freud

 

(Notes to "Letter from Sigmund Freud to Maria Montessori, December 20, 1917"

Ernst L. Freud)

 

 

 

 

Pédagogie différenciée

 

Une des premières expériences de pédagogie différenciée est celle du Plan Dalton élaborée vers 1910 par Helen Parkhurst. Celle-ci, devant enseigner à une classe de quarante enfants dont les âges variaient de 8 à 12 ans, mit en place un système de fiches personnalisées permettant pour chacun un plan de travail individuel.

La méthode de Winnetka perfectionne en 1913 ce système en créant des fiches autocorrectives, et en accordant plus d'importance au travail en groupe.

Ces méthodes arriveront en Europe via les publications du mouvement d'éducation nouvelle. Robert

Dottrens s'en inspire lors de la création de l'école du Mail à Genève.

  À la même époque, Célestin Freinet systématise l'utilisation de ces outils d'individualisation, et met au point les fichiers Freinet utilisés encore aujourd'hui dans les classes de l'ICEM. Il a utilisé no- tamment le journal de l'école comme outil pédagogique. L'auteur le plus important est sans doute Louis Legrand, qui officialise l'expression et veut mettre en place cette pédagogie dans les établissements scolaires. " L'idée d'une nécessaire différenciation rationnelle de la pédagogie pour faire face à la diversité des publics présents dans les classes hétérogènes est le produit d'un conflit devenu insupportable entre cette diversité et l'unité réalisée des programmes et des méthodes."[1 ]En 1975, la réforme Haby introduit le collège unique en supprimant les différentes filières (d'après le concept d'hétérogénéité, toutes les classes se valent). La loi propose donc un remède au problème d'hétérogénéité : la pédagogie différenciée.

Philippe Meirieu fait deux distinctions : différenciation/individualisation et groupes de besoin/groupes de niveaux. Pour lui, même si la différenciation est un moyen de s'adapter aux spécificités de chaque élève, la classe reste néanmoins un groupe au sein duquel chaque élève évolue. Ain- si l'enseignement n'est pas individualisé. La pédagogie différenciée permet alors de mettre en place des groupes de besoin. Ces groupes, contrairement aux groupes de niveaux, sont malléables et ponctuels. En d'autres termes, les groupes de besoin sont constitués en fonction des besoins des élèves à un moment donné sur un problème donné. Ils ne constituent en aucun cas des groupes à pérenniser dans l'année.

 

 

 

Courant des pédagogies institutionnelles

 

(Vasquez-Oury) (Labrot-Lourau)

 

 

 

La Pédagogie Institutionnelle

 

Enfin, le courant psychothérapeutique s'est développé sous le nom de "pédagogie institutionnelle", essentiellement sous l'autorité intellectuelle de Fernand Oury. Les instituteurs qui se sont reconnus dans cette mouvance sont, à l'origine, des membres du "mouvement Freinet" qui souhaitaient intégrer l'apport de Freud et qui se trouvaient confrontés avec les publics très difficiles d'enfants de banlieues pour lesquels les méthodes Freinet traditionnelles, prévues pour l'école rurale, s'avéraient insuffisantes. L'idée centrale de ce courant est l'idée de "médiation": en mettant en place des institutions médiatrices, comme l'imprimerie ou le conseil, le maître permet une régulation relationnelle grâce à laquelle chacun peut trouver sa place et son équilibre. Ainsi les élèves - et l'instituteur lui-même - ne sont plus des personnes confondues avec une image sociale mais bien des responsables au sein d'une institution collective qui leur permet de "se mettre en jeu" et de "parler en tant que". Bien évidemment, le maître ne met pas en place ici une démarche clinique comme la cure psychanalytique, mais, en adoptant une démarche pédagogique cohérente, il produit des effets thérapeutiques.

 

Dérivée de la pédagogie de Freinet, fondée par Fernand Oury en 1963, par dissidence, la pédagogie institutionnelle se veut politique et psychanalytique.

Voici comment la définissent Aïda VASQUEZ et Fernand OURY : La Pédagogie Institutionnelle est un ensemble de techniques, d’organisations, de méthodes de travail, d’institutions internes, nées de la praxis de classes actives. Elle place enfant et adultes dans des situations nouvelles et variées qui requièrent de chacun engagement personnel, initiative, action, continuité. Ces situations souvent anxiogènes (...) débouchent naturellement sur des conflits (...). De là cette nécessité d’utiliser, outre des outils matériels et des techniques pédagogiques, des outils conceptuels et des institutions sociales internes capables de résoudre ces conflits par la facilitation permanente des échanges matériels, affectifs et verbaux.

La Pédagogie Institutionnelle peut se définir :

d’un point de vue statique : comme la somme des moyens employés pour assurer les activités et les

échanges de tous ordres, dans et hors de la classe ;

d’un point de vue dynamique, comme un courant de transformation du travail à l’intérieur de l’école.

Les changements techniques, les relations interindividuelles et de groupes à des niveaux conscients et inconscients, la structuration du milieu, créent des situations qui, grâce à des institutions variées et variables favorisent la communication et les échanges.

Dans la classe (nous préférerions pouvoir écrire dans l’école) devenue lieu d’activité et d’échanges, savoir parler, comprendre, décider, etc. savoir lire, écrire, compter, deviennent des nécessités. Ce nouveau milieu favorise, outre les apprentissages scolaires, l’évolution affective et le développement intellectuel des enfants et des adultes.

(...) la caractéristique de la Pédagogie Institutionnelle : tendre à remplacer l’action permanente et l’intervention du maître par un système d’activités, de médiations diverses, d’institutions, qui assurent d’une façon continue l’obligation et la réciprocité des échanges, dans et hors du groupe.”

Aïda VASQUEZ et Fernand OURY précisent dans leur deuxième livre : “nous estimons que l’étude du milieu éducatif comporte nécessairement trois dimensions au moins :

Matérialiste : le matériel, les techniques qui commandent les types d’organisation déterminent les activités, les situations, les relations ;

Sociologique : la classe, groupe et ensemble de groupes, fait partie d’autres ensembles qui la déterminent en partie ;

Psychanalytique : reconnu ou nié, l’inconscient est dans la classe et parle... Mieux vaut l’entendre que le subir.

 

Jacques PAIN écrit : ―Ce sont aussi trois grands référents :

Célestin FREINET

 

Sigmund FREUD (et l’école freudienne de Paris)

 

Kurt LEWIN.

La nomination de la P.I. est le fait de Jean OURY. (...) Il s’agit d’une pédagogie “institutionnelle”, c’est-à-dire d’une pédagogie qui déchiffre à la fois l’enseignement, mais aussi le “savoir”, comme un champ d’instances concrètes, étroitement articulées par la règle de l’Échange, comme un lieu structuré par “l’institution”. Et l’institution ne va pas sans “l’institutionnalisation” quotidienne.”

Pour compléter cette présentation, citons Roger DELDIME et Richard DEMOULIN : ” La Pédagogie Institutionnelle se caractérise par la médiation qui peut-être un objet (outil ou but) ou une personne, ou une institution, mais qui se révèle toujours être plus qu’un objet ou une personne. ”

Pour terminer, une précision : “Des auteurs, comme ARDOINO parlent de Pédagogies Institutionnelles au pluriel, en raison des diverses orientations fondamentales de celles-ci. Ainsi le psychiatre Jean OURY est d’orientation psychanalytique, tandis que chez d’autres, les options sociopolitiques dominent.”1

 

1) ECOLE ELEMENTAIRE, PROGRAMMES ET INSTRUCTIONS, (p. 14), Ministère de l'Education Nationale., Paris, Ed. C.N.D.P. (1985) IMBERT F., “Pour une praxis pédagogique”, (p. 5), Nantes, Matrice, 1985

OURY F. et VASQUEZ A., Vers une pédagogie institutionnelle, (p. 245 et 248), Paris, Maspéro, 1967

OURY F. et VASQUEZ A., De la Classe Coopérative à la Pédagogie Institutionnelle, (p. 689), Paris, Maspéro, 1974

PAIN J., Pédagogie institutionnelle et formation, (p. 22), Paris, Micropolis, 1982

(NDLR : Jean OURY, médecin psychiatre et frère de Fernand OURY. S’est intéressé aux Techniques Freinet à ce mouvement pédagogique dès 1949. A travaillé avec Félix GUATTARI.)

Courant des méthodes de remédiations cognitives (entraînement mental, PEI, ARL, Tanagra, gestion mentale)

 

 

Note de lecture

 

Florian Houssier, Anna Freud et son école, Campagne Première, 2010. 305 p., 24 €

Il faut reconnaître à Florian Houssier une belle persistance à explorer les chemins frayés par les pionniers de « l’éducation spéciale », pour reprendre un terme que l’on doit au médecin Itard. Psychanalyste et universitaire, il a su mettre son talent et sa détermination à dégager le lien entre psychanalyse et pédagogie. Ses travaux sur l’histoire de la psychanalyse des adolescents, dans la foulée de François Marty, sont aujourd’hui incontournables.

Après avoir dégagé la haute figure d’instituteur et d’éducateur d’August Aichhorn, il ouvre les pistes qui conduisent à Anna Freud, dernière fille du père de la psychanalyse, son « Antigone » dans ses vieux jours, comme il aimait à la désigner. Grande dame de l’histoire de la psychanalyse, quoiqu’on en dise, quelques critiques que l’on puisse formuler à son endroit, notamment sur son « collage » au père. Anna Freud a commencé sa carrière comme pédagogue et sans doute ne s’est jamais départie de cet intérêt pour la transmission vers les plus jeunes. Un souci qu’elle partagea avec August Aichhorn. A ce sujet sont attendus avec une certaine impatience la publication des échanges épistolaires – c’était avant l’invention d’Internet et des SMS !- entre ces deux précurseurs, qui percèrent, à leur façon, les voies de l’éducation nouvelle.

Anna Freud ne se contenta pas de réfléchir sur les principes d’une pédagogie éclairée par la psychanalyse, elle se confronta à la pratique, notamment en ouvrant à Vienne, sous le regard bienveillant de son père, une école, sise dans le quartier de Hietzing. Cette école, véritable laboratoire pédagogique et de psychanalyse appliquée, fonctionna entre 1927 et 1932, en accueillant des enfants de 7 à15 ans. C’est une authentique « pédagogie du juste milieu » qui se développe, entre le « scylla du laisser-faire et le Charybde de l’autoritarisme », comme le précisera Freud bien plus tard dans ses Nouvelles Conférences.

C’est l’histoire mouvementée de cette école singulière que Florian Houssier décrit par le menu. Il en parcourt non seulement les linéaments historiques, mais encore il sait nous faire partager la ré- flexion qui ne cessa d’accompagner l’expérience. En cela l’école d’Anna Freud se révèle une source inépuisable d’inventions. On ferait bien en ces années troublées où les enseignants en tous genres ne savent plus à quels saints se vouer, où la bataille des méthodes et des objectifs fait rage, de s’y plonger pour en tirer des ressources à nouveau frais. Les pédagogues d’aujourd’hui y retrouveraient ainsi ce qui fut en son temps le socle de tout processus d’apprentissage, à savoir la psychopédagogie, discipline aujourd’hui malheureusement disparue de la formation des maîtres. En effet comment s’engager dans une chaine de transmission que constituent les apprentissages scolaires ou professionnels sans se poser les questions concernant la psychogénèse de l’enfant et de l’adolescent. La prise en compte de l’ « Inconscient dans la classe », pour emprunter une belle expression à Francis Imbert, les points d’appuis de la pulsion et de ses avatars chez le petit d’homme, la prise au sérieux du transfert engagé dans la relation éducative, constituent autant de guides théorico-pratiques, qui peuvent éclairer les pédagogues et les éducateurs sur les modes de résistance à apprendre (et à enseigner !) mais aussi sur les potentialités spécifiques au jeune âge. Le « roc de l’infantile » comme le désigne l’auteur de cet ouvrage de référence, constitue la pierre de touche de cette approche. C’est un concept que l’on voit naître chez Freud en 1925, justement dans sa préface à l’ouvrage d’Aichhorn Jeunes en souffrance (Champ Social, 2000) Après avoir posé les fondements de la psychanalyse à partir des hystériques adultes, Freud remarque que grâce aux travaux des éducateurs et enseignants, la psychanalyse s’intéresse désormais à l’Enfant. Et là jaillît une énigme sous la plume de Freud. La psychanalyse va prendre en compte une étrangeté, à savoir l’Enfant (Das Kind ) qui dure chez chaque être humain tout au long de la vie, et fait quelques apparitions, plus ou moins fra- cassantes, dans les rêves, les symptômes et la création artistique. Dans une note de 1935 Freud ajoute que la psychanalyse, au regard de ce « traitement de l’Enfant » (c’est moi qui rajoute) doit rester adossée à l’éducatif, sans quoi elle serait réduite au médical. Cet, « Enfant » longue durée, enfant de la jouissance, pour frayer avec un terme Lacanien, habité par la pulsion de mort, est bien l’objet des soins des pédagogues et éducateurs comme des thérapeutes. Le traitement de l’ « Enfant- Roi» constitue tout à long de la vie, le fond d’un travail de civilisation, prônant une éducation permanente au titre, comme le précise Freud en 1917 dans la première de ses conférences, du « sacrifice de la pulsion ». La mise en œuvre de ces principes par Anna Freud et ses collègues, notamment Dorothy Burlingham, Peter Blos et Erik Erikson, à l’école de Hietzing, a permis de dégager un praticable opératoire dans le champ éducatif. Dernier point, - tous seraient à reprendre et explorer -, la référence à la psychanalyse dans le champ de l’éducation, déployant une véritable clinique de l’acte éducatif et pédagogique, ne saurait se concevoir sans de solides assises sur le plan institutionnel, mais aussi plus largement politique. En cela on peut difficilement dire que l’époque où cette expérience prit forme ait été tout à fait favorable à l’éclosion d’une véritable école de liberté, dont Siegfried Bernfeld a pu représenter la figure de proue lorsqu’il prônait une éducation inscrite dans la lutte des classes comme fer de lance de la lutte anticapitaliste. D’autre part la passion engagée par les protagonistes de cette expérience n’a pas toujours laissé place à une réflexion apaisée sur le dis- positif institutionnel. Du coup les inventions de l’Ecole de Hietzing sont un peu passées à la trappe de l’histoire, recouvertes par la mousse des conflits de personnes, qui continuent encore largement à agiter le microcosme des écoles et associations de psychanalyse et desservent la prise en compte d’un héritage, dont on ne comprend pas qu’il relève du caprice des uns et des autres. Gageons que l’ouvrage de Florian Houssier fera naître un regain d’intérêt théorique et pratique, autant dans le champ de la pédagogie que dans celui de l’éducation, y compris spéciale. Souhaitons aussi que ces travaux réunissent les différents courants psychanalytiques dans un souci partagé pour l’enfance et l’adolescence, autour d’une disputatio de bon aloi.

Joseph Rouzel, psychanalyste, directeur de l’institut Européen Psychanalyse et Travail Social

(Montpellier)

 

 

DELDIME R., DEMOULIN R., Introduction à la psychopédagogie, 3ème édition, (p.181), Bruxelles, De Boeck Université, 1994

DE LANDSHEERE V., L’éducation et la formation, (p. 156), Paris, P.U.F, 1992

ARDOINO Jacques, Les pédagogies institutionnelles in MIALARET G. & VIAL J., Histoire mondiale de l’éducation, (p. 129-150), Paris, P.U.F,

1981

 

 

 

Critique constructive des différents grands courants pédagogiques.

 

 

 

 

 

ASPECTS POSITIFS DE LA PEDAGOGIE ASPECTS NEGATIFS DE LA PEDAGOGIE

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                                                               A. L'enseignement frontal

 

- structuré

- rassurant, structurant surtout pour les adultes - enseignants et parents

- l'enfant se situe par rapport à une norme, sait ce qu'on attend de lui (avoir de beaux points)

 

 

- ne donne pas la parole aux enfants

- ne respecte pas les rythmes d'apprentissage des enfants

- les plus "intelligents" (???) réussissent

 

 

 

 

B. Pédagogie du projet

 

 

 

- les apprentissages sont fonctionnels (en rapport avec la réalité quotidienne) et interdisciplinaires

 

- l'enfant est acteur de ses apprentissages

 

- les enfants et les adultes sont enthousiastes

 

- l'esprit d'initiative, d'invention, de création sont stimulés

 

- l'esprit critique est développé

 

 

 

 - l'enfant qui doit "approfondir" une matière n'en a pas l'occasion

 

- souvent ce sont les plus "débrouillards" qui mènent le projet

 

- chaque enfant est valorisé dans ce qu'il sait déjà faire

 

- dans l'enthousiasme "on" doit donner la parole aux plus timides

 

 

  C. Tiers-temps pédagogique

 

 

- respect du rythme biologique des enfants

- partage équitable entre les différents aspects de l'éducation - cognitif, social et affectif

 

 

- l'adulte prend en charge l'organisation de la journée, de la semaine, de l'année en respectant les choix effectués par les adultes

- est malheureusement appliqué tout en conservant l'enseignement frontal

 

 

D. Pédagogie Freinet

 

- gestion de projets et de leur aboutissement

- leçons fonctionnelles "qui répondent à un besoin, à un intérêt"

- entraînement des connaissances par un contrat de travail

- groupes verticaux et horizontaux

- gestion du temps scolaire

 

Pédagogie très attrayante et très complète avec tout de même, à mes yeux, un point négatif : l'enfant est "obligé" de vivre la pédagogie par le fait de son inscription dans l'école ou la classe la pratiquant, il est obligé de "passer un contrat d'apprentissage"

 

 

 

E. Différenciation par fichiers progressifs

 

- l'enfant apprend à son rythme

- il est autonome face à la matière (distribuée) et gère son temps et ses apprentissages

  - individualisation jusqu'à l'individualisme à l'encontre d'une vie sociale

 

Conclusion

 

 

Chaque courant pédagogique a ses points forts et ses faiblesses. Appliquer l'un ou l'autre à l'extrême à tous les enfants peut nuire à l'objectif généralement posé au départ : apprendre à apprendre à l'enfant, l'aider à devenir un citoyen responsable capable de construire ses savoirs. L'erreur, je crois, commune à chacune de ces pédagogies est de ne pas donner assez ou du tout la parole aux enfants. On confond trop souvent l'enfant avec ses productions, on le réduit à ses résultats. Il devient un profil de notes couchées sur un cahier, un projet évalué, un contrat rempli. On peut rêver …Ce qu'il nous faut, à travers la pédagogie que l'on prône, c'est introduire le relationnel. En tant qu'enseignant, accepter de dire à l'enfant : "Voici le programme qu'il te faudrait connaître pour aborder l'avenir de ta scolarité, de ta vie mais je te respecte dans tes différences, je te fais confiance, je te sais capable de me dire ce dont tu as besoin et la manière dont tu veux apprendre..."

 

 

 

Qu'est-ce que la classe participative ?

 

La classe participative est une classe où l'enfant a droit à la parole et au choix des méthodes d'apprentissages qui lui sont le plus appropriées. C'est une classe où il a la possibilité :

- de réaliser des projets personnels, par groupe ou avec toute la classe

- d'individualiser ses périodes d'exercisation

- d'aménager son horaire afin de réserver les heures où il est le plus attentif aux apprentissages fondamentaux et le reste du temps aux apprentissages sportifs, culturels et philosophiques

- d'avoir un lieu et un temps de parole où il peut se dire

- de planifier les activités/matière en fonction de ses lacunes, des dépassements qu'il désire, des remédiations dont il a besoin

- de participer à la mise en place des évaluations en élaborant collectivement des synthèses de référence, établissant des critères d'évaluation...,

- d'évaluer l'activité vécue, critiquer les méthodes, dire en quoi telle ou telle façon de procéder permet mieux ou moins bien de construire, faire un bilan de ce qu'il a appris et proposer des démarches, des méthodes, des prolongements....

- de construire les activités en choisissant de mener à bien un projet, de réaliser une fiche individuelle qui corresponde à ses besoins ou désirs, de demander à l'adulte un travail ou des explications...

 

La classe participative c'est vivre la démocratie à l'échelle de l'école. En effet, pour moi, la démocratie c'est permettre à chacun de se construire en respectant ses rythmes, ses besoins, ses cheminements. Or seul chaque enfant est à même de dire si la pédagogie proposée correspond à ses rythmes, besoins, cheminements. Avoir le droit de se dire pour mieux apprendre à se connaître et donc être responsable parce que conscient de ses engagements et de ses choix.

Pourquoi choisir de gérer la classe participative ?

 

Avec un clin d'œil à un grand homme français, j'ai envie de dire : "la curiosité et le dialogue sont les deux mamelles d'un savoir à construire."

Le dialogue c'est parler, se structurer, se construire dans une structure solide mais pas rigide puisqu'elle permet de se dire, d'évoluer, d'expérimenter, d'argumenter, d'évaluer. La structure à comme limites le respect des autres, des choses, des conventions établies collectivement et d'une ambiance adéquate à l'activité mise en place.

La curiosité c'est l'envie de savoir, de comprendre, de grandir...

Construire, c'est planifier les activités vécues en classe par une négociation des enfants entre eux - où l'adulte est seulement le garant du droit de chacun à la parole- , c'est vivre les activités choisies - où l'adulte est le miroir des questions posées et le garant d'une ambiance d'écoute et de recherche - , c'est faire le point des acquis - où l'adulte devient le secrétaire des enfants...

 

En conclusion, dans une classe participative, les semaines sont toujours trop courtes pour y insérer tout ce que les enfants sont curieux d'apprendre. Les activités d'apprentissage proprement dites durent en moyenne une demi-heure pendant laquelle nous arrivons à aborder la même quantité de matière que lors de plusieurs séances d'apprentissage normales de 50 minutes. Les enfants deviennent des personnes de relation, qui savent exprimer et argumenter leurs choix, évaluer de façon critique ce qui les entoure et surtout eux-mêmes. Ils sont sur le chemin de la citoyenneté responsable tout en construisant leurs savoirs (ce qui reste le rôle premier de l'école

 

« Une violente répression d'instincts puissants exercée de l'extérieur n'apporte jamais pour résultat l'extinction ou la domination de ceux-ci, mais occasionne un refoulement qui installe la propension à entrer ultérieurement, dans la névrose. La psychanalyse a souvent eu l'occasion d'apprendre à quel point la sévérité indubitablement sans discernement de l'éducation participe à la production de la maladie nerveuse, ou au prix de quel préjudice de la capacité d'agir et de la capacité de jouir la normalité exigée est acquise. Elle peut aussi enseigner quelle précieuse contribution à la formation du caractère fournissent ces instincts asociaux et pervers de l'enfant, s'ils ne sont pas soumis au refoulement, mais sont écartés par le processus dénommé sublimation de leurs buts primitifs vers des buts plus précieux. Nos meilleures vertus sont nées comme formations réactionnelles et sublimations sur l'humus de nos plus mauvaises dispositions. L'éducation devrait se garder soigneusement de combler ces sources de forces fécondes et se borner à favoriser les processus par lesquels ces énergies sont conduites vers le bon chemin. » FREUD

 

Freud aborde un sujet épineux, nous touchant d'autant plus que nous sommes appelés à devenir nous-mêmes parents : le rôle de l'éducation sur l'avenir des enfants.

 

L'éducation, mal pratiquée, ne serait-elle pas un facteur de névrose ?

 

Pour Freud, il est certain que l’éducation que nous avons reçue est à la base de nos comportements. Or il est convaincu, à la lumière de sa pratique psychanalytique, qu'une éducation trop rigide participe à l'apparition de maladies nerveuses alors qu’une éducation qui orienterait nos pulsions dans un bon sens aurait l’avantage d’être épanouissante. Pour nous faire partager son point de vue, il part de son hypothèse de travail relative à l’existence de forces psychiques qui inhibent notre conduite à notre insu, en s’appuyant sur le concept de refoulement. Il peut alors, dans un second temps, tirer l’enseignement qu’autorise ses observations cliniques, si déroutantes soient-elles, sur les effets malencontreux d’une éducation répressive, avant de proposer, finalement, un modèle d'éducation qui, sans être pathogène, soit authentiquement formateur.

 

Conclusion

 

Freud parle en définitive plus d’éducation que de pédagogie : c’est le premier terme qui revient dans les textes, le second n'étant qu’épisodique. Et ce sont des enseignants qui, dans le cadre du mouvement de pédagogie psychanalytique, ont interprété Freud dans la perspective d’une problématique strictement pédagogique, c’est-à-dire de technique de transmission des connaissances. Il n’est pas certain qu’on puisse identifier sans précautions une problématique d’éducation et une problématique de pédagogie.